Alors que le scénario d’une motion de censure se précise, l’hypothèse d’une démission d’Emmanuel Macron en cas de blocage institutionnel est poussée par l’opposition. À droite comme à gauche, le chef de l’État est sommé de «prendre ses responsabilités».
L’avenir du budget 2025 se profile : alors que le Sénat devrait adopter - avec des ajustements - le projet de loi de finances porté par le gouvernement, celui-ci verra son destin débattu en commission mixte paritaire. Mais face aux divergences entre les deux chambres, les négociations pourraient ne déboucher sur aucun accord, conduisant le Premier ministre à recourir à l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer le texte. Il s’exposerait alors à une motion de censure.
Le cas échéant, les députés du Nouveau Front populaire (NFP) ont déjà annoncé qu’ils voteraient cette motion de censure. Le pouvoir reviendrait alors aux mains du Rassemblement national, qui pourrait sceller l’avenir du budget, du Premier ministre, et du gouvernement par la même occasion. En cas de vote d’une majorité des députés, Emmanuel Macron verrait donc ses options se réduire : nommer un nouveau Premier ministre, déclencher un référendum, ou démissionner.
emmanuel macron sur la sellette ?
Si la première option devrait conduire à un blocage institutionnel, avec la volonté du NFP de placer Lucie Castet à Matignon et la pression de Marine Le Pen pour obtenir un Premier ministre acquis à sa cause, la deuxième ne semble pas non plus suivre les intérêts du président. Redonner le pouvoir au peuple - qui a largement soutenu le NFP, hostile au budget, lors des législatives - sur cette question conduirait à n'en pas douter à un rejet immédiat du texte.
Par ailleurs, Emmanuel Macron n'a jamais utilisé cet outil démocratique au cours de ses mandats, que la Constitution prévoit dans trois cas précis : une réforme constitutionnelle, l'entrée d'un pays dans l'Union européenne ou bien pour le vote d'une loi. Reste l’hypothèse d’une démission, plébiscitée par les oppositions, qui conduirait à une élection présidentielle anticipée.
«Je pense qu'il peut réfléchir à son départ, y réfléchir sérieusement, regarder dans quelle situation il a placé le pays», avançait le député François Ruffin sur France Info, le 21 novembre. «Nous sommes des gens tout à fait responsables, nous savons les conséquences qu'une censure aurait», a de son côté prévenu le vice-président du RN, Sébastien Chenu, sur LCI le 24 novembre.
Mais cette hypothèse est-elle crédible ? Selon la Constitution, même en cas de blocage institutionnel, rien n’oblige le président de la République à présenter sa démission avant la fin de son mandat, en 2027. Il a même plusieurs fois fait savoir qu'il ne démissionnerait pas, se considérant comme garant de la stabilité des institutions.
Dès lors, seule la volonté personnelle du chef de l’État pourrait conduire à sa démission. Si Emmanuel Macron décidait de quitter l'Elysée après la censure du gouvernement - qui pourrait intervenir fin décembre - il semble plutôt logique qu'il attende le début de l'année 2025. Le président du Sénat serait alors chargé de l'intérim en attendant l'organisation d'une nouvelle élection présidentielle.
Selon la Constitution, celle-ci doit être organisée «vingt jours au moins et cinquante jours au plus après l'ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif de l'empêchement». Par exemple, s'il démissionne le 20 janvier, le 1er tour pourrait se dérouler au plus tôt le 11 février. En revanche, le 2e tour ne pourrait pas avoir lieu plus tard que le 11 mars.
Nouveau Front populaire ou Rassemblement national ?
Compte tenu des déclarations faites au Figaro Magazine en juin 2024 par Emmanuel Macron, ce scénario reste toutefois hautement improbable. En cas de censure, le président devrait donc résoudre une équation complexe : proposer une solution qui convienne au plus grand nombre, alors que les députés sont indéboulonnables jusqu’au mois de juin, à minima.
Elle devrait notamment être validée par ceux qui pourraient reproduire le même schéma de blocage, avec une nouvelle motion de censure en cas de désaccord sur le futur locataire de Matignon, sur la composition du gouvernement ou sur un nouveau budget.
Mais dans ce cas, comment choisir entre les faveurs du Nouveau Front populaire et celles du Rassemblement national, sans compter les revendications de son propre camp ? Il faudrait alors probablement qu'Emmanuel Macron nomme un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement apolitiques, techniques, mais qui donneraient des gages à suffisamment d'élus.
De son côté, Marine Le Pen et son groupe pourraient se satisfaire d'un Premier ministre qui leur promettrait une réforme instaurant la proportionnelle aux législatives et une loi immigration. Le NFP sera pour sa part plus difficile à satisfaire et devrait réclamer Matignon. Les députés du «socle commun» pourraient eux aussi faire valoir leurs demandes.
Dans ces conditions, si une démission d’Emmanuel Macron semble, à ce stade, peu probable, le chef de l’État devra tout de même tirer les leçons d’une éventuelle motion de censure et faire des compromis, s’il souhaite, comme il l’a affirmé à plusieurs reprises, se porter garant des institutions et éviter le blocage du pays. Une équation complexe, mais pas hors de portée.