Cette affaire est moins célèbre pour la victime que pour l’homme qui est accusé de l’avoir tué : Omar Raddad. Le 24 juin 1991, le corps sans vie de Ghislaine Marchal, 65 ans, est découvert chez elle. Tout près, une phrase, en lettre de sang : «Omar m’a tuer».
Depuis, la science tend à prouver l’innocence de cet homme, que la victime elle-même semblait pourtant accuser, mais elle n’a pas encore permis de découvrir qui était l’auteur du crime.
Un message en lettres de sang
Le 24 juin 1991, Colette Koster s’inquiète de ne pas avoir de nouvelle de son amie, Ghislaine Marchal, 65 ans, chez qui elle devait déjeuner le midi. Elle ne répond pas au téléphone et n’ouvre pas la porte de chez elle.
Les gendarmes se rendent donc à son domicile dans la soirée et découvrent le corps de Ghislaine Marchal, dans la cave de sa maison de Mougins (Alpes-Maritimes). La maison ne montre aucune trace d’effraction, et, plus mystérieux encore, le sous-sol où se trouve la victime a été fermé à clé de l’intérieur et la porte a même été bloquée à l’aide d’un lit pliant et d’un tuyau métallique.
La pièce où elle est étendue se situe entre la chaufferie et la cave à vin. Sur la porte de la chaufferie, est tracé, vraisemblablement avec du sang « Omar m’as t », sur la porte de la cave à vin est inscrit, avec ce même liquide et en plus gros « Omar m’a tuer ».
Lente agonie
Selon les premières expertises, Ghislaine Marchal a reçu de nombreux coups couteaux et a été frappée à la tête par un morceau de bois, laissé sur place. Le médecin légiste conclut qu’aucun des coups n’était en soit mortels, mais que la somme de tous a entrainé la mort de la victime, après une possible agonie de quinze à trente minutes.
Il existe bien un Omar dans l’entourage de la victime : son jardinier, Omar Raddad, 29 ans, d’origine marocaine. Il est arrêté le lendemain de la macabre découverte, à Toulon, puis mis en examen pour homicide volontaire. Mais l’accusé clame son innocence.
Une piste unique
L’enquête continue et présente rapidement plusieurs approximations. D’abord, aucun relevé d’ADN n’est fait sur les lieux du crime. Ensuite, les médecins légistes annoncent que la mort de Ghislaine Marchal est survenue le lundi 24 juin, jour de la découverte. Or ce jour-là, l’accusé était en famille à Toulon, pour célébrer l’Aïd El Kébir. Mais quelques mois plus tard, ils se reprennent et affirment avoir fait une faute de frappe : la mort remonte en fait à la veille, le dimanche 23 juin. Et cette fois, Omar Raddad n’a pas d’alibi.
Selon des experts en graphologie, les mots écrits en lettre de sang – celui de la victime – ont bien été tracés par celle-ci. Une conclusion contestée, notamment en raison de la tournure de la phrase, puisque si c’est bien Ghislaine Marchel qui a écrit ces mots, elle était encore vivante, et non pas déjà «tuée». Mais également à cause de l’absence de trace de sang autour de l’écriture, qui implique que la victime n’aurait pris appui ni sur la porte, ni sur le sol pour se redresser après toutes ses blessures et écrire ses mots. D’autre part, la deuxième phrase, non achevée, laisse penser que la victime est morte en l’écrivant, or son corps se situe à plus d’1m50 de l’inscription, et est tourné dans le sens inverse.
En janvier 1994, le procès d’Omar Raddad s’ouvre devant la cour d’assise des Alpes-Maritimes. L’accusé continue de se dire innocent. Mais les avocats de la victime croient en sa culpabilité et affirment même connaître le mobile : l’argent. Omar Raddad aurait perdu beaucoup au jeu, et il aurait réclamé à plusieurs reprises des avances à sa patronne, que celle-ci a fini par lui refuser. Ils sont persuadés que Ghislaine Marchal est bien l’auteure des mots écrit en lettres de sang, et qu’elle s’est barricadée dans le sous-sol pour tenter d’échapper à son agresseur.
Les avocats d’Omar Raddad, eux, pensent à une mise en scène. Ils estiment qu’au vue des blessures de la victime, et des traces de sang, il est impossible qu’elle se soit relevée pour écrire les mots et barricader la porte.
En effet, les analyses montrent que la victime n’aurait pris appui nulle part pour se redresser malgré les blessures. D’autre part, un coup porté à l’intérieur de la cuisse a laissé une trace de sang complètement perpendiculaire au sol, qui implique que la victime ne s’est pas relevée après– sinon le sang aurait pris un autre chemin – et qu’elle ne s’est pas déplacée – sinon le frottement aurait laissé une trace différente.
Les avocats de l’accusé pensent plutôt que le tueur a tenté de faire croire que la victime s’est barricadée et a dénoncé son agresseur avant de mourir.
Le 2 février, l’accusé est condamné à dix-huit ans de prison pour meurtre avec circonstances atténuantes. Pourtant, il n’y a ni preuve matérielle, ni aveux. Son avocat décide d’engager un détective privé pour tenter de trouver de nouveaux éléments.
Un procès jamais révisé
En 1996, Jacques Chirac accorde une grâce présidentielle à Omar Raddad, qui bénéficiera d’une libération anticipée le 4 septembre 1998, après sept ans d’emprisonnement.
En parallèle, une nouvelle expertise graphologique des inscriptions «Omar m’a tuer» et «Omar m’a t» - la raison pour laquelle la justice s’était tournée vers Omar Raddad - est faite par des professionnels du privé. Les conclusions sont différentes des premières : ce n’est peut-être pas la victime qui a tracé ces lettres. De plus, le détective privé découvre un témoin qui a signalé la présence d’une femme blonde chez Ghislaine Marchal le lundi 24 juin, avant la découverte officielle du corps, mais après la date annoncée de sa mort. Pourtant, sa déclaration n’a pas été retenue par les gendarmes.
En 2000, une nouvelle analyse graphologique est demandée, par la justice cette fois. Et là encore, les experts en concluent que ce n’est peut-être pas la victime qui est l’auteure des inscriptions.
La même année, des analyses révèlent qu’un ADN différent de celui de la victime a été trouvé sur les lieux du crime, et qu’il n’appartient pas à Omar Raddad. Mais la justice refuse d’ouvrir un nouveau procès.
En 2015, de nouvelles empruntes sont découvertes dans les scellés, et elles n’appartiennent toujours pas à l’accusé. En novembre dernier, une correspondance a été trouvée dans l’ADN.
Pourtant, Omar Raddad reste, aux yeux de la justice, le coupable.