Trente-deux ans après les faits, de nouveaux suspects ont été mis en examen pour le meurtre du petit Grégory, l’un des crimes non-résolu les plus connus du XXe siècle en France.
Si l’affaire dite du «Petit Grégory» est marquante, c’est aussi bien en raison du profil de la victime, un enfant de 4 ans, que de l’enquête hors norme et des drames qui ont entouré le meurtre. Retour sur une affaire atypique aux conséquences dramatiques.
Le 16 octobre 1984, le corps de Grégory Villemin, âgé de 4 ans, est découvert dans la Vologne, une rivière située dans le département des Vosges, à 6 km du domicile de ses parents à Lépanges. L’enfant, tout habillé, a les mains et les pieds liés par de fines cordelettes.
Le corbeau, présumé coupable
Depuis quatre ans, la famille de l’enfants - ses parents, grands-parents et son oncle - était victime des menaces d’un corbeau. Le jour même de la mort de l’enfant, un appel anonyme informait l’un des frères de Jean-Marie Villemin - le père de Gregory - de la mort de l’enfant. Le lendemain, une lettre envoyée à Jean-Marie Villemin revendique le meurtre.
Les enquêteurs cherchent donc à découvrir qui est le corbeau. En se basant sur les lieux du crime et sur les lettres envoyées, les gendarmes se tournent vers les proches de l’enfants.
Bernard Laroche, un suspect qui ne parlera plus jamais
Bernard Laroche, le cousin de Jean-Marie Villemin est arrêté le 5 novembre 1984. Sa belle-sœur a témoigné auprès des enquêteurs, leur assurant qu’elle était en voiture avec Bernard Laroche quand celui-ci a enlevé Grégory devant chez lui, l’a emmené aux abords de la rivière et est revenu sans l’enfant. Elle assure cependant, ne pas l’avoir vu tuer Grégory.
Dès le lendemain, la jeune fille de 15 ans se rétracte. Entre temps, les médias se sont emparés de l’affaire et désignent Bernard Laroche comme le coupable, sans tenir compte de la présomption d’innocence. Trois mois plus tard, le seul suspect est remis en liberté, faute de preuve.
Mais les parents de Gregory sont persuadés que Bernard Laroche est le coupable. Des soupçons que l’implication des journalistes et la partialité des enquêteurs viennent renforcer. Le père de l’enfant rêve de vengeance. Deux mois après sa sortie de prison, Bernard Laroche est tué, sous les yeux de sa femme, par son cousin Jean-Marie Villemin.
Une suspecte inattendue
Pendant ce temps, et sur fond de rivalités entre les différents enquêteurs, le juge d’instruction, les différents présidents de la chambre d’instruction, et suite à des rumeurs courant dans la région, Christine Villemin, la mère de Grégory, est à son tour accusée du meurtre de son fils.
Plusieurs pistes amèneraient à la désigner comme le corbeau : une analyse d’écriture d’une des lettres, mais également des cordelettes trouvées dans sa cave ainsi que des témoignages affirmant l’avoir vu à la Poste le jour du meurtre, et donc le jour où la lettre de revendication a été postée.
Elle est libérée au bout de quelques jours, faute de preuves, tandis que son mari est, lui, toujours écroué pour le meurtre de Bernard Laroche. Elle bénéficiera d’un non-lieu en 1993, pour « absence totale de charge », un motif utilisé pour la toute première fois en droit français, laissant cette affaire sans le moindre accusé.
Une enquête jamais refermée
Le dossier est à réouvert pour la première fois en 2001, dans l’espoir que les progrès scientifiques puissent permettre de découvrir qui était le corbeau grâce à l’ADN présent sur le timbre… en vain. En 2008, l’information est ouverte à nouveau et les investigations sont, depuis, « constantes », bien que « discrètes », selon le procureur de Dijon. En 2010 et 2012, les scellés sont à nouveau analysés. Une dizaine de profils seront isolés, mais aucun n'est identifié.
Revirement de situation mercredi : de nouvelles analyse graphologiques ont permis d’identifier de nouveaux suspects. L’écriture d’une lettre de menace, envoyée par le «corbeau» à la famille Villemin en 1983, correspond à celle de Jacqueline Jacob, l’épouse de Marcel Jacob, oncle maternel de Jean-Marie Villemin. Si l’analyse de la lettre de revendication n’a, elle, pas été concluante, les termes utilisés dans toutes les lettres sont semblables, laissant supposer qu’il n’y avait qu’un seul et même «corbeau».
D’autre part, un nouveau logiciel utilisé par la police, Anacrim, a permis de mettre en rapports plusieurs éléments datant des premières étapes de l’enquête. À l’époque, des témoins ont assuré qu’un homme moustachu, parfois accompagné d’une femme, repéraient les lieux en voitures plusieurs jours avant le meurtre de Grégory. Les arrestations de mercredi laissent entrevoir un nouvel espoir de résolution.