Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
JEUDI 6 SEPTEMBRE
Premier match des Bleus depuis leur victoire en Coupe du monde de football. Quel que soit le résultat de cet Allemagne-France, une chose est claire : les 23 étoilés sont devenus nos frères, nos cousins, nos icônes. Il ne se passe pas un jour sans que l’on publie des pages entières d’entretiens avec tel ou tel joueur, sans que l’on regarde (sur C8, mercredi soir) un docu-reportage-portrait de Didier Deschamps, sans que l’on parle de Kylian Mbappé – le «miracle».
Je n’avais pas commenté l’événement en Russie dans cette chronique, en juillet dernier, puisque votre CNEWS avait suspendu sa publication durant l’été. Aussi, je me permets d’y revenir. Il existe aujourd’hui un gros effet post-Coupe du monde. Trois albums souvenirs – truffés de photos originales et bien cadrées – ont été des best-sellers dès leur sortie en juillet, quelques jours seulement après la victoire contre la Croatie. Il fallait faire vite. Les hebdos n’ont cessé de suivre les Bleus étoilés pendant leurs vacances, parfois un peu trop spectaculaires. Enfin, et surtout, on a dressé une statue médiatique à l’homme qui a mené ses «garçons» à la victoire : Didier Deschamps.
Ah ! Deschamps… Quelle belle certitude enrobée de modestie. Comme Aimé Jacquet, autrefois, Deschamps fait rêver les managers, les patrons et pourrait donner quelques leçons à tout responsable d’une entreprise privée ou publique. Il y a, dit-il, «le choix des mots, la manière de les dire». Il y a «l’état d’esprit et la force collective qui font la différence» – des propos recueillis dans une double page de notre confrère Le Parisien. Avec son ton volontaire, son visage carré, ses lèvres serrées, ses yeux qui scrutent, son apparente impassibilité, qui explose lorsqu’un but est marqué, la joie d’un enfant et la concentration d’un pilote de chasse, avec sa fierté, son orgueil tempéré par son sens du relatif, Didier Deschamps constitue un beau portrait français.
Voilà pourquoi j’ai eu envie d’y revenir. J’étais un peu frustré de n’avoir pas eu l’occasion d’évoquer ces noms (Mbappé, Pogba, Varane, Griezmann, Deschamps…) que les enfants prononcent avec la vigueur innocente de leur âge, aujourd’hui, dans toutes les cours d’école.
VENDREDI 7 SEPTEMBRE
Si la parité n’apparaît pas encore, en France, de manière lumineuse dans la vie quotidienne, il est un domaine où les femmes jouent un rôle essentiel : les livres. Cette fameuse «rentrée littéraire» confirme une tendance qui, d’ailleurs, ne date pas d’hier : les romancières sont là, et bien là.
Quand vous consultez la liste des meilleures ventes de livres de notre confrère L’Express de cette semaine (réalisée par Edistat sur une semaine, du 20 au 26 août, sur 800 points de vente), vous découvrez que, sur les dix romans en tête, quatre sont signés par des femmes. Il y a Amélie Nothomb (Les prénoms épicènes, éd. Albin Michel) ; Maylis de Kerangal (Un monde à portée de main, éd. Verticales) ; Vanessa Schneider (Tu t’appelais Maria Schneider, éd. Grasset) ; Nicole Krauss (Forêt obscure, éd. de l’Olivier). Le onzième est aussi celui d’une femme, Olivia de Lamberterie, (Avec toutes mes sympathies, éd. Stock). Il recueille, depuis quelques jours, des opinions unanimement élogieuses. Nous n’en sommes qu’au début.
Un spécialiste de l’édition me disait : – Dans quinze jours, trois semaines, vous en verrez arriver d’autres, et peut-être que celles du début ne seront pas au rendez-vous des prix. Les femmes écrivent et les femmes lisent. Ce sont elles qui forment les trois quarts du lectorat, celles qui prescrivent, celles qui posent aux libraires la question rituelle et capitale : «Qu’est-ce que vous me recommandez cette semaine ?» Elles qui font partir le bouche à oreille, meilleur vecteur de succès que tous les critiques professionnels.