Par vagues, la rentrée littéraire dépose chaque semaine ses nouveautés sur les rayons des libraires. Cette année, pas moins de 567 romans français et étrangers sont à paraître.
Parmi eux, des têtes d’affiche, comme Amélie Nothomb, qui publient leurs romans avec la régularité d’une horloge, ou des auteurs déjà primés, à l’instar de Maylis de Kerangal ou Alain Mabanckou. Alors que certains ont déjà les faveurs des critiques comme des lecteurs, ce cru 2018 se distingue avant tout par le nombre de premiers romans publiés, au nombre de 94.
Mais quels que soient les genres abordés, tous auront en ligne de mire les différents prix d’automne et les fêtes de Noël, l’année 2017 ayant vu pas moins de 3,4 millions de livres s’écouler à cette période. Voici un panel non exhaustif de livres à ne pas rater.
« swing time » de zadie smith
Zadie Smith avait changé la figure de la littérature anglaise avec son premier roman Sourire de loup (Gallimard, 2001). Elle revient avec un grand roman d’apprentissage, Swing Time. L’histoire de deux fillettes amies, qui pourrait être soeurs, passionnées par la danse, mais que tout oppose. L’une est douée et intègre une prestigieuse école. L’autre est gauche et suivra une scolarité classique. La première est audacieuse et excessive ; la deuxième réservée et tempérée. Le décor est posé. Mais ce n’est pas une histoire de rivalité. Plutôt sur la désillusion qui s’immiscera à différents moments dans la vie de chacune. C’est aussi un roman vivant et contemporain, peignant une Angleterre cosmopolite dans laquelle on respire les parfums de la rue, des narguilés et des pots d’échappement. Une réflexion sur l’identité, le genre et la célébrité.
Swing time de Zadie Smith, éditions Gallimard, 23,50 euros
« À son image » de jérôme ferrari
En littérature comme en photographie, tout est affaire de distance. Celle qu’adopte le Goncourt (2012) Jérôme Ferrari envers les personnages d’A son image – une photoreporter, son amant, nationaliste corse, son oncle, prêtre – est idéale. Cherchent-ils, à travers leurs engagements, à donner du sens à leurs existences, ou à s’arracher à l’ennui qui menace ? Ils approchent le mal au plus près, trouvent la guerre avec une facilité déconcertante. Encore faut-il continuer à vivre, après avoir goûté à ces sensations.
A son image de Jérôme Ferrari, éditions Actes Sud, 19 euros.
« La vraie vie » d'Adeline dieudonné
Déjà en lice pour de nombreux prix, « La vraie vie », premier roman de la belge Adeline Dieudonné, pourrait être une des révélations de cette rentrée littéraire. Ce récit initiatique drôle et acide, narre les tentatives d’une adolescente et de son petit frère pour déjouer leur quotidien sinistre au contact d’un père violent et obsédé par son tableau de chasse et d’une mère craintive face aux humeurs de son mari amateur de whisky. Grâce à des personnages peint avec justesse et sa maîtrise de l’humour noir, l’auteure -qui cite comme de nombreux auteurs actuels Stephen King en référence-, arrive à nous faire rire dans ce décor lugubre. On n’a pas fini d’en entendre parler.
La Vraie vie d’Adeline Dieudonné, éditions L’Iconoclaste, 17 euros
«forêt obscure » de nicole krauss
Pas étonnant que Kafka devienne un des personnages de Forêt obscure, le très attendu quatrième roman de Nicole Krauss. Un récit sur la complexité de l’identité et la quête du lieu, de la maison, comme celle de soi. Pour Nicole, romancière new-yorkaise dans la tourmente professionnelle et personnelle, il s’agira du Hilton de Tel-Aviv, ou elle croisera rapidement Epstein, avocat américain richissime, qui s’y est installé après avoir liquidé tous ses biens.
Forêt obscure de Nicole Krauss,éditions de l’Olivier, 23 euros.
« Helena » de Jérémy Fel
Addictif, c’est sûrement le terme qui définit le mieux Helena, second roman de Jérémy Fel. Très remarqué en cette période de rentrée littéraire, il nous embarque à bord d’une Chevrolet rouge, direction le Kansas, à la rencontre de l’incarnation du mal. Le Français, qui n’est pourtant jamais allé aux Etats-Unis, s’inspire dans cette fresque familiale diabolique de tous les ingrédients utilisés par les grands maîtres américains du genre : Stephen King et Joyce Carol Oates. Suspense, violence à l’état pur et désir de vengeance, tout est dans ce thriller dérangeant. Dès le début, le lecteur est vite happé par ce roman choral de 730 pages, qu’on lit comme en apnée.
Helena de Jérémy Fel, éditions Rivages, 23 euros.
« asymétrie » de Lisa halliday
Le point commun entre l’histoire d’amour, d’Alice 22 ans et un grand écrivain américain de 30 ans son ainé, et l’interrogatoire sans fin d’un émigré irakien souhaitant rentrer chez lui à l’heure de l’invasion américaine de l’Irak ? Un jeu de miroirs déformé confrontant sans cesse les personnages à ce qui les oppose. La force de ce roman à clé ? Sa densité et l’écriture maîtrisée de Lisa Halliday suscitant constamment l’imagination du lecteur.
Asymétrie de Lisa Halliday, éditions Gallimard, 21,50 euros
« Les Malheurs du bas » de inès bayard
À 26 ans, Inès Bayard, signe un premier roman décontenançant : « Les Malheurs du bas ». Marie, trentenaire à la vie facile et confortable en pleine ascension professionnelle, souhaite avoir un enfant avec Laurent avec qui elle partage sa vie. Lorsqu’au même moment, elle est violée par son patron, elle ne dit rien. Ne lâche rien. Grâce à une écriture puissante, ce récit tendu nous plonge au cœur du ressenti et dissèque le quotidien de cette femme s’enfonçant, persuadé d’être enceinte de son violeur et de devenir la mère d’un enfant de l’horreur. La peur, la solitude, la haine, la dépression, le dégoût de son corps, de celui de son compagnon (montré crûment dans des scènes de sexe non désiré) et de son fils. A l’instar de « Chanson Douce », de Leïla Slimani, qui avait reçu le Goncourt en 2016, ce livre commence par la fin et par un acte inhumain. Un an après le #metoo, ce texte fort et organique, nous dit tout du corps d’une femme malmené et violenté.
Les Malheur du bas de Inès Bayard, éditions Albin Michel, 18,50 euros
« Les cigognes sont immortelles » de Alain mabanckou
Il y a quelque chose du Candide de Voltaire dans ce nouveau roman d’Alain Mabanckou, Les Cigognes Immortelles. Avec la voix naïve du jeune Michel, l’auteur livre un roman d’apprentissage sur fond de post-colonialisme au moment de l’assassinat du « camarade président » Marien Ngouabi, à Brazzaville, en 1977. Grâce à une narration subtile toute en suggestion et métaphore, un équilibre parfait entre autobiographie et romanesque, la petite histoire -celle de Michel, Maman Pauline et Papa Roger à Pointe Noire-, et la grande histoire se mêlent parfaitement, entérinant l’auteur de Mémoires d’un porc-épic (prix Renaudot 2006) comme un des grands conteurs du continent africain.
Les Cigognes sont immortelles de Alain Mabankou, éditions du Seuil, 19,50 euros
« Modèle vivant » de Joann Sfar
Comment continuer à enseigner, à l’heure du #MeToo, l’art du dessin et ses modèles nus aux Beaux-Arts, en face de jeunes filles en fleurs plus ou moins sûres d’elles ? Des siècles de représentation des corps dans l’art doivent-ils être jetés à la poubelle quand sonne l’heure de la parité ? Joann Sfar s’attaque avec son franc-parlé habituel à cette délicate question. On le suit avec plaisir dans le flot de ses réflexions, aussi décousues que pertinentes.
Modèle vivant de Joann Sfar, éditions Albin Michel, 18 euros.
« Les Nuits d’Ava » de Thierry Froger
Août 1957. Une course-poursuite dans les rues de Rome. Dans la Facel-Vega qui tente de semer les paparazzis, Ava Gardner file, zigzagant, dans la nuit. Cette scène saisit l’humeur de «la comtesse aux pieds nus». Pour oublier son spleen, elle écume les bars de la via Veneto. Une nuit elle se livre, devant l’objectif de Giuseppe Rotunno, à des poses osées, inspirées des grands nus de la peinture, dont L’origine du monde de Courbet. Mais que sont devenus ces clichés ?
Les nuits d’Ava, Thierry Froger, éd. Actes Sud, 20 euros.