Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
Vendredi 6 juillet
Il faut savoir faire son mea culpa. Dans cette même page, la semaine dernière, de retour de Moscou, je souriais avec scepticisme à propos de la «montée en puissance» des Bleus, que j’avais trouvés si ternes. (Nous parlons ici de football et de la Coupe du monde, au cas où vous ne l’auriez compris) Eh bien ! Je m’étais prodigieusement trompé.
Contre l’Argentine, non seulement ils sont «montés en puissance», mais ils sont montés de plusieurs niveaux, et en éblouissant le monde par leur talent et leur fougue.
Cet après-midi, à 16h, au moment où les enfants sortiront de l’école, combien de Français vont regarder France-Uruguay ? Douze à treize millions, peut-être. Ce coup-ci, pas de pronostic, s’il vous plaît, simplement de l’espoir. Ce n’est que du foot, je sais. Mais c’est un peu plus que cela.
Du lundi 2 au vendredi 6 juillet
Au croisement de la rue de Seine et de la rue de Buci, sur la rive gauche parisienne, un jeune homme m’aborde. Il vient de terminer ses épreuves du bac. Il sait que tout s’est bien passé et parle de son avenir :
– Je voudrais faire du journalisme. Que me conseillez-vous ?
– Lisez, lui dis-je, lisez !
– C’est tout ?
– Non, bien sûr, mais lisez avant tout autre exercice. Choses vues de Victor Hugo, Bloc-notes de François Mauriac, En ligne d’Ernest Hemingway. Mais aussi Malaparte, Kessel…
Il prend note, ce qui est bon signe, et nous nous quittons comme des amis. Je me dis alors que je pourrais vous recommander quelques lectures.
Les «livres de l’été» ont déjà déferlé, avec leurs titres toujours aussi fleuris. C’est devenu un genre précis : le livre qui fait du bien, plein de bons sentiments. Pour appartenir à cette catégorie, il faut, effectivement, un titre accrocheur. Long, si possible, et lourd de sens. Du style : «Tu ne sauras rien si tu n’écoutes pas l’oiseau du matin.» Ou encore : «Les écureuils n’ont pas fini d’engranger leurs noisettes.» Ou encore : «Ne demande pas le ciel, je risque de te le donner.» Enfin : «C’est dans la soupe de ma grand-mère que j’ai retrouvé la joie.»
Bon, ça va, arrêtons cette moquerie facile. Tout livre est essentiel, en ces temps où les petits écrans anesthésient nos sensibilités. Voici quelques-uns de mes choix :
Joseph Kessel – dont je parlais plus haut – aura été l’un de nos plus grands écrivains-journalistes. Les éditions Tallandier viennent de rééditer Jugements derniers, la chronique de trois procès majeurs, celui de Pétain, celui des nazis à Nuremberg, celui d’Eichmann à Jérusalem. Recherche du détail, goût du portrait, observation des attitudes ou du langage des accusés… Remarquable.
Eric Fottorino a écrit Dix-sept ans (éditions Gallimard). Il sort le 16 août prochain. Il y parle de Nice, de sa mère, des secrets de famille, de l’amour filial. C’est une écriture intime, émouvante, intelligente et limpide. Je me suis senti proche de ce très beau livre, qui va certainement jouer son rôle à la rentrée.
Laurent Chalumeau, dans un tout autre registre, avec son écriture moderne, hilarante, parlée, propose le monologue d’un assassin – qui se venge. Cela s’intitule VNR (éditions Grasset). C’est du Audiard, mâtiné de San Antonio, avec Tarantino qui tient la chandelle. Chalumeau a quelque chose d’unique : il marie la loufoquerie à la tragédie.
Colum McCann envoie des Lettres à un jeune auteur (éditions Belfond). Solide leçon d’écriture. C’est cela que j’aurais dû conseiller au futur bachelier de la rue de Seine.
Philippe Lançon, enfin, et surtout, et encore, et plus que jamais. Le Lambeau (éditions Gallimard) est le plus grand livre de l’année. Je réitère une évidence qui court un peu partout : s’il n’est pas primé à la rentrée, c’est à se désespérer des jurys littéraires.
Je vous souhaite un bel été, et je vous retrouverai à la fin du mois d’août.