En Egypte le monde du foot devient de plus en plus fréquenté par les femmes arbitres et joueuses. Mais cette activité n'est pas au goût des conservateurs du pays.
Mona Atalla arbore fièrement son maillot rose frappé du logo «Fifa» sur le bord du terrain: pour cette arbitre égyptienne de 37 ans, il constitue un trophée dans sa lutte face aux préjugés qui dominent dans le milieu profondément masculin du football en Egypte.
Dans les années 1990, l'arrivée de joueuses égyptiennes sur les terrains avait suscité les critiques des plus conservateurs. Celle de femmes arbitrant des matches a bien davantage marqué les esprits. Certains ont jugé «étrange» de voir des femmes arbitrer des hommes, constate Mona Atalla, arbitre de touche, en marge d'un match féminin à l'Université cairote d'Ein Shams.
Mais «lorsque cette tâche est effectuée à la perfection par des femmes, les gens sont fiers de leur présence sur le terrain», assure cette femme aux cheveux courts, le sourire aux lèvres. Désormais reconnue et licenciée de la Fédération internationale de football (Fifa), elle s'est rendue mi-juin en Ethiopie pour arbitrer un match de qualifications pour la Coupe d'Afrique des nations (CAN) féminine.
En avril, la commission des arbitres de la fédération égyptienne l'a aussi autorisée, avec sa collègue Poussy Said, à arbitrer des matches de seconde et troisième divisions masculines.
Avec des frères arbitres et un père entraîneur, Mme Atalla a évolué dans un univers qui l'a portée et aidée à figurer en 1998 parmi les premières femmes à exercer en Egypte. Son mari, lui aussi, est arbitre.
La jeune femme ne vit toutefois que partiellement de cette activité : elle est avant tout professeure de gymnastique dans une école du Caire. L'arbitrage vient en plus, par passion.
Non loin d'elle, sur le terrain, Hanane Hassan, 37 ans, une autre arbitre officielle de la fédération égyptienne, met en avant l'idée d'une approche féminine : selon elle, la présence d'une femme sur le terrain lors d'un match masculin peut contribuer à désamorcer la violence.
«C'est naturel pour moi de rendre mes décisions avec le sourire, afin d'absorber la colère de la personne en face de moi», dit-elle.
Mais des joueuses rejettent encore l'idée d'être arbitrées par d'autres femmes, relève le responsable de la commission des arbitres au sein de la Fédération, Azab Haggag. Certaines vont jusqu'à se plaindre à la fédération, affirmant que les femmes réalisent des performances moins satisfaisantes que les hommes à un tel poste.
Certaines femmes se laissent emporter par les émotions et peuvent s'avérer partiales dans leur arbitrage, estime ainsi Norhan Hamdy, 21 ans, l'une des joueuses du match placé sous la houlette de Mmes Hassan et Atalla.
«En tant que femme joueuse, je préfère qu'un homme arbitre mes matches», dit-elle Consciente des défis qui restent à relever, Mme Atalla se dit déterminée à «se battre» pour gagner davantage de reconnaissance et de présence sur les terrains.
Reste encore aux femmes égyptiennes à accéder à la première division masculine, réservée aux hommes arbitres.
«Mes collègues à l'étranger ont déjà arbitré des matchs masculins (de première division) dans leurs pays, donc pourquoi pas en Egypte ?», s'interroge Mona Atalla, qui peut faire valoir son expérience acquise lors de compétitions internationales. «La loi est la même (pour les hommes et les femmes) et devrait être appliquée à tous. Et nous l'avons bien étudiée», argue-t-elle.
Pour Azab Haggag, il n'y a aucune de raison de priver les arbitres femmes de matches de première division masculine. Mais il faut les introduire sur les terrains «graduellement, afin que les fans soient mieux préparés et l'acceptent», dit-il.
Selon lui, l'Egypte compte actuellement une soixantaine d'arbitres femmes licenciées, mais seulement 15 sont actives, dont six qui disposent d'une licence internationale.