Un trou noir d’une masse record de 33 fois celle du soleil a été détecté par le télescope spatial européen Gaia, dédié à la cartographie de la Voie lactée. Baptisé Gaia BH3, et situé à 2.000 années-lumière de la Terre, il s’agit du trou noir stellaire le plus massif jamais observé dans notre galaxie.
Une masse record. Une étude publiée ce mardi dans la revue Astronomy & Astrophysics Letters révèle que le télescope spatial européen Gaia a découvert un gigantesque trou noir dans notre galaxie, d’une masse équivalente à 33 fois celle du soleil. Il s'agit d'un record dans la Voie lactée pour un trou noir stellaire, dont la formation résulte de l'effondrement d'étoiles massives en fin de vie.
Un trou noir est un objet céleste si compact que l'intensité de son champ gravitationnel empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s'en échapper. Autrement dit, il s'agit d'un objet céleste invisible qui attire vers lui tout ce qui se trouve dans son environnement grâce à son attraction gravitationnelle, et dont rien ne peut s'échapper, pas même la lumière, ce qui lui vaut son nom de «trou noir».
Il existe plusieurs familles de trous noirs. Si les plus massifs sont, comme leur nom l’indique, les trous noirs supermassifs logés au cœur des galaxies, dont le scénario de formation n'est pas connu, il existe aussi des trous noirs formés par des supernovas, c'est-à-dire des étoiles en fin de vie : les trous noirs stellaires. Gaia BH3, situé à 2.000 années-lumière de la Terre, dans la constellation de l'Aigle, fait partie de cette famille et se trouve être bien plus massif que ses semblables dans la Voie lactée, qui font habituellement entre 10 et 20 masses solaires.
«On voyait une étoile un peu plus petite que le Soleil (75% de sa masse environ) et plus brillante, qui tournait autour d'un compagnon invisible, repérable par les perturbations qu'il lui fait subir», raconte Pasquale Panuzzo, chercheur CNRS à l'Observatoire de Paris-PSL, principal auteur des travaux publiés dans Astronomy & Astrophysics Letters et responsable-adjoint du traitement spectroscopique de Gaia.
Des observations plus poussées de télescopes au sol ont finalement confirmé qu'il s'agissait bien d'un trou noir. De tels mastodontes ont déjà été détectés dans des galaxies lointaines, via les ondes gravitationnelles. Mais «jamais dans la nôtre», rappelle le docteur Panuzzo.
Trou noir «dormant»
Parmi la grande diversité de ces objets célestes encore très peu connus des scientifiques, figurent les trois noirs dits «dormants» dont semble faire partie Gaia BH3. En effet, en raison de sa position trop éloignée de l’étoile qui a permis de le découvrir, sa force gravitationnelle n’«arrache» pas de matière de l’étoile, et il n’émet donc aucun rayonnement X, ce qui le rend particulièrement difficile à détecter. On appelle cela des trous noirs dormants. Le télescope Gaia avait déjà réussi à débusquer les deux premiers trous noirs inactifs (Gaia BH1 et Gaia BH2) de la Voie lactée, mais ceux-ci ont des masses normales.
Contrairement au Soleil, la petite étoile du système binaire de BH3 est «très pauvre en éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium», explique l'Observatoire de Paris dans un communiqué. «Selon la théorie, seules ces étoiles pauvres en métaux peuvent former un trou noir aussi massif», relève le docteur Panuzzo. L'étude suggère donc que la formation du trou noir résulte d’une étoile massive elle aussi pauvre en métaux.
Autre spécificité de ce couple stellaire : il tourne dans le sens contraire des autres étoiles dans le disque de la Voie lactée. «Peut-être parce que le trou noir se serait formé dans une autre galaxie plus petite, qui aurait été mangée au début de la vie de la Voie lactée», avance le chercheur. La sonde Gaia de l'agence spatiale européenne (ESA), qui opère à 1,5 million de kilomètres de la Terre depuis 10 ans, a livré en 2022 une carte en 3D des positions et des mouvements de plus d'1,8 milliard d'étoiles.