Ce samedi, après une offensive contre le régime de Bachar al-Assad, les jihadistes et factions rebelles du nord de la Syrie ont pris la «majeure partie» d’Alep, deuxième ville du pays. Face à cela, l’armée russe a procédé à plusieurs raids sur cette citadelle, pour la première fois depuis 2016.
Les jihadistes s’emparent de la deuxième ville de Syrie. Ce samedi 30 novembre, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), les combattants jihadistes et les factions rebelles du nord de la Syrie ont pris la «majeure partie» d’Alep, après avoir lancé leur plus grande offensive de ces dernières années contre le régime de Bachar-al-Assad. L’ONG a également rapporté que des raids russes ont eu lieu sur cette deuxième ville de Syrie, pour la première fois depuis 2016.
«Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et les factions rebelles alliées ont pris le contrôle de la majeure partie de la ville, des bâtiments gouvernementaux et des prisons», a indiqué l'OSDH.
Une offensive éclair
L’offensive des jihadistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), alliance dominée par l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, et des rebelles soutenus par la Turquie, a débuté mercredi 27 novembre. Ces derniers ont attaqué des territoires du régime dans la province d'Alep et dans la région voisine d'Idleb (nord-ouest).
En seulement trois jours, les groupes terroristes ont conquis des dizaines de villages, et surtout la «majeure partie» des quartiers d’Alep, des bâtiments gouvernementaux et des prisons, selon l'OSDH.
Au total, plus de 300 personnes, principalement des combattants, sont mortes dans ces combats, dont une centaine des forces gouvernementales et leurs alliés. En revanche, l’ONG basée en Grande-Bretagne, qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, déplore la mort de 28 civils.
Une opération préparée depuis plusieurs mois
Selon Dareen Khalifa, experte de l'International Crisis Group, cette opération était préparée depuis plusieurs mois. «Elle a été présentée comme une campagne défensive face à une escalade du régime», a-t-elle expliqué à l'AFP, en allusion à de précédents bombardements intensifs de l'armée syrienne et de son allié russe, contre des zones rebelles du nord-ouest.
Cependant, l’experte a insisté sur le fait que HTS et ses alliés «observent également le changement régional et géostratégique». Concrètement, l'offensive a été lancée le jour même où la trêve entrait en vigueur au Liban entre Israël et le Hezbollah, un allié du régime syrien et de Téhéran, et alors que la Russie est en pleine guerre en Ukraine.
Pour Dareen Khalifa, les jihadistes «pensent que maintenant les Iraniens sont affaiblis et le régime acculé». Ces derniers mois, en parallèle de la guerre au Liban, Israël a mené plusieurs frappes en territoire syrien, disant vouloir neutraliser le Hezbollah en ciblant ses transferts d'armes coordonnés avec Téhéran et les forces syriennes.
Quels sont les enjeux d’une telle offensive ?
En 2016, la reconquête par le régime de tous les secteurs rebelles de la métropole constituait une victoire essentielle pour Bachar al-Assad et ses alliés. Aujourd’hui, la perte des quartiers d’Alep est d'autant plus symbolique qu’il y a huit ans. Face à cela, le Kremlin a appelé vendredi à «mettre de l'ordre au plus vite» dans cette citadelle. Alors que Téhéran, de son côté, a dénoncé un complot fomenté par les Etats-Unis et Israël.
L'offensive intervient d'ailleurs à un moment diplomatique délicat : depuis des années, un potentiel rapprochement entre Damas et Ankara piétine. Alors que Moscou et l'Iran plaident pour une détente, Damas réclame un retrait des troupes turques déployées dans le nord syrien le long de la frontière.
Pour Caroline Rose, de l'Institut Newlines basé à Washington, la réaction mesurée des alliés de Damas pourrait bien être «une manière de forcer le régime à négocier d'une position plus faible, en l'absence de tout signe de soutien des Russes et des Iraniens», a-t-elle estimé sur le réseau social X.
I joined @AlJazeera today with @Qidlbi and @OmerOzkizilcik to discuss opposition forces’ impressive push against regime forces in #Aleppo.
Many implications for the Northeast, rapprochement with #Syria’s regime, and regional security. https://t.co/nWFFZKCxnB pic.twitter.com/KPGPUxzGif— Caroline Rose (@CarolineRose8) November 29, 2024
La Turquie, qui soutient des rebelles du nord syrien, a, elle, réclamé la fin des «attaques» du régime contre l'enclave d'Idleb. «Dans les prochains jours, si (les rebelles) parviennent à garder leurs gains (territoriaux), ce sera un test révélateur de l'étendue de l'engagement turc», a indiqué Dareen Khalifa.
Le régime est-il menacé ?
Pour Damas, cette offensive éclair représente indéniablement un coup dur. «Les lignes du régime se sont effondrées à un rythme incroyable qui a pris tout le monde par surprise», a constaté Dareen Khalifa. Les rebelles ont coupé la stratégique autoroute M5 reliant Damas à Alep, et un nœud routier assurant la connexion à Lattaquié.
Malgré la résistance de l’armée syrienne, qui a confirmé des combats, les jihadistes et rebelles ont progressé sans être confrontés à «aucune résistance significative», a assuré Rami Abdel Rahmane, qui dirige l'OSDH.
Par le passé, Damas a pu compter sur le soutien de l'aviation russe et sur les forces du Hezbollah libanais. Ces dernières sont absorbées, depuis ces deux derniers mois, par leur guerre ouverte contre Israël. Et «la présence russe s'est considérablement réduite», a par ailleurs expliqué l'analyste Aaron Stein.
La fulgurance de l'offensive vient «rappeler à quel point le régime est faible», a-t-il estimé, ajoutant que les forces pro-gouvernementales avaient probablement baissé leur garde à la faveur du calme précaire qui régnait dans le nord.