Plus de six mois après son départ du palais présidentiel, Jair Bolsonaro fait déjà l’objet de nombreuses procédures judiciaires. Ce jeudi 22 juin, le Tribunal électoral supérieur du Brésil ouvre un procès contre l’ancien président pour abus de pouvoir et désinformation.
Le premier procès d’une longue liste ? L’ancien président brésilien Jair Bolsonaro, poursuivi par le Tribunal électoral supérieur (TSE), la plus haute instance de la justice électorale, est jugé ce jeudi pour abus de pouvoir et désinformation.
Il est accusé d’avoir mis en doute la fiabilité du système électoral brésilien, en juillet 2022, lors d’une réunion avec les diplomates européens. Jair Bolsonaro aurait affirmé vouloir «corriger les failles» du système, et demandé plus de «transparence» dans le vote. Il avait également fait part de sa volonté de faire intervenir l’armée. Cette conversation laisserait ainsi sous-entendre sa volonté d'organiser un coup d'Etat en cas de défaite à l'élection présidentielle de 2022, qu'il a effectivement perdue.
«Le TSE est saisi de plusieurs affaires qui évaluent un éventuel abus de pouvoir de Bolsonaro, mais celle qui sera jugée jeudi concerne spécifiquement l'utilisation illégale de l'espace, des réseaux de télévision publics et de l'argent public pour organiser une réunion avec des ambassadeurs qui ne portait pas sur des questions concernant les relations internationales brésiliennes, mais sur la campagne de Bolsonaro contre la crédibilité des élections dans le pays», a expliqué à CNEWS Rafael Mafei, professeur à l'Université de São Paulo et spécialiste de l'histoire des institutions politiques brésiliennes.
Tout au long de la campagne pour la présidentielle de 2022, le président d’extrême droite sortant a plusieurs fois mis en doute le processus électoral, et notamment le système des urnes électroniques, sans apporter aucune preuve d’une possible fraude ou d’une erreur dans le système.
Le procès qui se tient ce jeudi pourrait donc lui coûter cher. «Il ne s'agit pas d'une affaire pénale, il ne peut donc pas être mis en prison pour cela. La sanction la plus probable est la disqualification de la vie politique, ce que nous appelons l'inéligibilité, pour une durée de 8 ans», ajoute Davi Tangerino, avocat et professeur de droit pénal à l’Institut Getúlio Vargas à São Paulo. Cela signifie qu’en cas de condamnation à cette peine, il ne pourra pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. «Le TSE peut rendre Bolsonaro inéligible s'il constate qu'il a pratiqué un abus de pouvoir, politique ou économique, alors qu'il occupait le poste de président et qu'il se présentait à sa réélection», complète Rafel Mafei.
Un procès politique ?
Depuis son départ du palais présidentiel, Jair Bolsonaro a cependant fait part de sa volonté de rester dans la sphère politique, et de garder une place dans l’opposition à l’actuel président, Luiz Inácio Lula da Silva. Une peine d’inéligibilité pourrait contrecarrer ses plans. «Il a toujours la possibilité de faire appel à la Cour suprême», précise Davi Tangerino, puisqu’il s’agit de la plus haute instance judiciaire du Brésil. La procédure n’est cependant pas sans risque : sur 11 juges de la Cour suprême, 3 font également partie du Tribunal électoral supérieur, et auront donc déjà rendu leur avis lors de la première audience. «Cela impose toujours une certaine mesure» dans le choix de déposer un recours, estime Davi Tangerino.
La défense de Jair Bolsonaro a nié toute volonté de coup d'Etat de son client, et a affirmé que les déclarations de l’ancien président ne constituaient pas un «acte électoral», mais uniquement un acte «de gouvernement». Ses avocats ont également accusé ses opposants de gauche d’instrumentaliser la justice pour restreindre le débat démocratique.
En cas d'inculpation, l'ancien président d'extrême droite pourrait tenter de mobiliser son socle d'électeurs en affirmant être la victime d'un procès politique orchestré par le pouvoir. Une défense qui confirmerait son statut de «Donald Trump des tropiques», puisque l'ancien président américain, également la cible de plusieurs procédures judiciaires, fait régulièrement état de la «chasse aux sorcières» qu'il affirme subir.
De nombreuses enquêtes en cours
Si Jair Bolsonaro ne se retrouvera pas derrière les barreaux pour cette affaire, le risque d’être condamné au pénal n’est cependant pas inexistant. Il est notamment visé par cinq enquêtes devant la Cour suprême qui pourraient lui valoir des peines de prison.
«Des dizaines de procédures, pénales et électorales, étaient et sont toujours en cours. Le procureur général nommé par Bolsonaro (Augusto Aras, ndlr), en fonction jusqu'en septembre 2023, a classé certaines des affaires pénales. Ces nouvelles affaires peuvent toutefois conduire à un déclassement des anciens dossiers et à l'engagement de nouvelles poursuites. Il est donc possible que Bolsonaro soit condamné au pénal pour plusieurs faits. Dans la justice électorale, le ministère public a été plus indépendant et a maintenu plusieurs procédures ; cependant, il ne pourra pas imposer de sanctions pénales, mais seulement des sanctions administratives et civiles», a détaillé l'avocat Davi Tangerino.
Quatre des enquêtes de la Cour suprême visant Jair Bolsonaro portent sur des délits qu’il aurait commis pendant son mandat (de 2019 à 2022). Elles portent par exemple sur des soupçons d’ingérence dans la police fédérale, l’ex-président étant accusé d’avoir cherché à protéger certains membres de sa famille accusés de corruption, ou sur la diffusion de fausses informations sur le vaccin contre le Covid-19. La cinquième concerne son implication dans les émeutes du 8 janvier 2023, durant lesquelles ses partisans ont envahi les différents lieux de pouvoir à Brasilia.
Selon un décompte du Parti Libéral, dont Jair Bolsonaro fait partie et qui prend en charge une grande partie des frais de justice, il est déjà la cible de plus de 600 procédures judiciaires, toutes instances confondues, a dévoilé CNN Brasil.