En pleine période de tension diplomatique accrue avec Pékin, les États-Unis se questionnent sur l’interdiction totale du réseau social chinois TikTok sur leur territoire. Des députés américains se penchent sur le sujet au Congrès.
TikTok aux États-Unis, c’est bientôt fini ? La commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants, la chambre basse du Congrès américain, examine depuis mardi un projet de loi visant à interdire totalement le réseau social chinois TikTok de son territoire.
Lundi, la Maison blanche a déjà donné un délai de trente jours à tous ses fonctionnaires pour supprimer l’application de leur smartphone, mesure qui découle d’une loi ratifiée début janvier par le président américain Joe Biden.
Pourquoi une mesure si radicale ? La commission est chargée de voter une série de projets de loi liés à la Chine, et nombreux parlementaires américains, Républicains comme Démocrates, estiment que le réseau social chinois est une menace pour la sécurité nationale, en raison du nombre important de données qu’il collecte sur ses utilisateurs.
Ce projet de loi, sur lequel les membres de la Commission sont appelés à se prononcer ce mercredi, donnerait à l’administration Biden le pouvoir d’imposer une interdiction nationale de TikTok dans l’ensemble des États-Unis en vertu du «International Emergency Economic Powers Act». Il faut encore que le projet soit approuvé en Commission et qu’il passe ensuite au vote de l’ensemble de la Chambre des Représentants et du Sénat pour être adopté.
Certains démocrates réticents
Le texte est porté par le Républicain Michael McCaul, élu du Texas, mais les mesures pour mettre à mal l’influence mondiale de la Chine font partie des rares sujets sur lesquels Démocrates et Républicains peuvent s’entendre. «Beaucoup d'Américains ne réalisent pas que l'un des plus grands efforts de surveillance de (la Chine) a recueilli silencieusement des données personnelles dans leurs poches», a déclaré Michael McCaul mardi. Une crainte exacerbée par l'affaire du ballon espion chinois ces dernières semaines.
Mais certains élus Démocrates se sont toutefois fermement opposés à ce texte. Gregory Meeks, élu de New York membre de la commission des Affaires étrangères, a déclaré au média Axios qu’il s’attendait à ce que les Démocrates de la commission et du Sénat s’opposent au texte. «En l'état actuel des choses, c'est un projet de loi conforme à la ligne du parti [républicain]. Il est trop large. Nous n'avons pas eu l'occasion d'en discuter du tout », a-t-il déclaré». David Cicilline, élu Démocrate du Rhode Island et membre de la commission, a également jugé le texte «mal écrit, mal pensé et terriblement excessif. Je pense qu'il n'y aura aucun [vote démocrate en sa faveur]», a-t-il affirmé. Les votes seront donc suivis de près, sachant que les Républicains disposent de la majorité des sièges à la Chambre des Représentants, et les Démocrates la majorité au Sénat.
L'association de défense des droits civiques ACLU s’est également opposée au texte, estimant qu’il violerait le premier amendement de la Constitution américaine, à savoir la liberté d'expression. «Qu'il s'agisse de regarder des vidéos de chats, de discuter de ballons espions ou de diffuser en direct des manifestations, nous avons le droit d'utiliser TikTok et d'autres plateformes pour échanger nos pensées, nos idées et nos opinions avec des personnes du monde entier», a-t-elle déclaré.
Elle affirme également que ce projet de loi vient violer l’amendement Berman, une série de lois adoptées à la fin de la Guerre froide qui permettait la libre circulation des films, livres, musiques et autres œuvres ou «matériel d’information» entre les États-Unis et les pays hostiles.
tiktok se défend
TikTok, qui revendique environ 100 millions d’utilisateurs aux États-Unis, n’a pas tardé à réagir, et a fustigé le projet de loi qui reviendrait à «censurer» des millions d’Américains. Le réseau social, dont la maison mère, ByteDance, se situe à Pékin, ainsi que la Maison Blanche, ont également rappelé qu’un examen de la plate-forme était en cours par une agence gouvernementale, le CFIUS, qui doit évaluer les risques des investissements étrangers pour la sécurité nationale des États-Unis.
«La façon la plus rapide et la plus efficace de répondre à ces inquiétudes (...) est que le CFIUS adopte l'accord proposé sur lequel nous travaillons avec eux depuis près de deux ans», a affirmé le porte-parole de TikTok.
L’entreprise a affirmé stocker les données des utilisateurs américains sur des serveurs aux États-Unis, mais que certains employés basés en Chine y avaient accès. Elle a toutefois assuré que le gouvernement chinois ne pourrait pas les consulter.