La Commission européenne, les Etats-Unis et le Canada ont chacun pris des mesures pour empêcher certains fonctionnaires d’utiliser le réseau TikTok sur les appareils professionnels. Pour quelles raisons ?
TikTok est dans le viseur de plus en plus de structures gouvernementales. Après la Commission européenne, qui a demandé le 23 février à son personnel de ne pas utiliser le réseau social sur les appareils professionnels, le gouvernement du Canada, pour son administration, et les Etats-Unis, pour les fonctionnaires fédéraux, ont intimé le même ordre.
En France, le ministère des Armées a entamé des démarches pour créer un guide de bonnes pratiques pour les militaires. Il se pourrait que l'usage du réseau chinois soit bientôt «déconseillé». Quelles sont les raisons évoquées pour justifier cette défiance envers TikTok ?
Des données récupérées par des employés basés en Chine
La Commission européenne a expliqué que la «suspension» de l’application «vise à (se) protéger contre les cybermenaces. (…) Il est de notre devoir de réagir le plus tôt possible aux cyberalertes potentielles». Les regards sont logiquement tournés vers la Chine, d’où est originaire TikTok, développé par l’entreprise ByteDance pour sa version internationale (une version pour le marché chinois existe sous un autre nom, Douyin).
Si, à la suite d’accusation d’espionnage, notamment de la part de Donald Trump, l’entreprise a affirmé l’an dernier que les données des utilisateurs américains seraient stockées sur des serveurs aux Etats-Unis, elle reconnaissait quelques mois plus tard que celles des utilisateurs européens pouvaient parfaitement être consultées par ses employés, basés en Chine. «Selon les besoins du service», était-il précisé. Certains de ces employés avaient ainsi pu traquer des journalistes, avait reconnu TikTok, en niant toutefois être contrôlé ou laisser le gouvernement chinois accéder aux données.
Une enquête, initiée par l'autorité irlandaise de protection de la vie privée, soupçonnant ByteDance d'enfreindre la législation européenne sur la protection des données (RGPD) en matière de traitement des données personnelles des enfants et de transferts de données vers la Chine, est menée en Europe.
TikTok a depuis réagi en expliquant qu’il œuvrait à «l’implantation de trois centres européens de données en Europe pour stocker localement les données. Nous travaillons à réduire encore plus l'accès des employés aux données et à minimiser les flux de données hors d'Europe».
Outil de propagande et d’espionnage
Du côté des Etats-Unis, les agences gouvernementales fédérales doivent s’assurer que l’application n’est plus présente sur leurs appareils ou ceux qu’elles gèrent. Une loi datant de fin décembre avait déjà fait de même pour les fonctionnaires. TikTok est en effet considéré comme une menace à la sécurité nationale.
Au Congrès, des élus demandent même l’interdiction totale du réseau social, en le désignant comme un outil de propagande et d’espionnage au service de la Chine, rappelle l'AFP. Ils se heurtent cependant (et entre autres) à l’Union américaine pour les libertés civiles, qui estime que censurer une plate-forme entière serait «priver les Américains de leur droit constitutionnel à la liberté de parole et d’expression». «Nous avons le droit d'utiliser TikTok et d'autres plateformes pour échanger nos pensées, nos idées et nos opinions avec des personnes du pays et du monde entier», estime-t-elle.
Pour le Canada, le gouvernement a de son côté évoqué «un niveau de risque inacceptable», que fait courir l’application pour la vie privée et la sécurité des données. «Sur un appareil mobile, les méthodes de collecte de données de TikTok donnent un accès considérable au contenu du téléphone», a expliqué la ministre canadienne du Trésor. Une enquête visant la plate-forme a été ouverte la semaine dernière, pour vérifier que le réseau social «a obtenu un consentement valable pour la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels».