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Séisme : pourquoi il est difficile d’acheminer l’aide internationale en Syrie

La situation de la population syrienne était déjà dramatique en raison de la guerre civile et l'est d'autant plus aujourd'hui, après ce séisme dont le bilan dépasse les 11.000 morts en Syrie et Turquie. [Mohammed AL-RIFAI / AFP]

Après le séisme qui a frappé lundi et dont le bilan s'élève à plus de 11.200 morts, l'aide internationale est parvenue jusqu'à la Turquie mais peine à s'organiser pour atteindre la Syrie.

Le soutien de la communauté internationale ne s'est pas fait attendre lundi, en Turquie, après le séisme. Mais la Syrie, également meurtrie, n'a pas pu en dire autant. Si la France, l'Allemagne ou encore les Etats-Unis ont promis de lui venir en aide, l'envoi des secours n'a toutefois pas été immédiatement déclenché, en raison de la sensibilité de ce territoire et des difficultés d'accès.

Selon le responsable du programme Syrie de Médecins sans Frontières, Marc Schakal, ce pays «reste une zone d'ombre d'un point de vue légal et diplomatique». Le régime de Damas est sous le coup de sanctions internationales depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, et le pays est divisé dans le nord-ouest, avec la zone rebelle d'Idleb.

La Syrie est marquée par douze années de guerre civile mettant aux prises des rebelles, dont certains sont instrumentalisés par des puissances étrangères, des jihadistes, les forces kurdes et l'armée du gouvernement de Bachar al-Assad, lui-même mis au ban des nations mais soutenu par l'Iran et la Russie.

La situation de la population syrienne était déjà dramatique et l'est donc d'autant plus aujourd'hui, après ce séisme dont le bilan dépasse les 9.500 morts en Syrie et Turquie. Mais ce contexte diplomatique tendu retarde l'intervention de la communauté internationale, qui s'est pourtant mise en ordre de marche.

L'Union européenne a activé son «mécanisme de protection civile» et des équipes issues de dix Etats membres ont été mobilisées. La France, l'Espagne, l'Italie ont mis à disposition une partie de leurs effectifs et l'Allemagne, la Pologne, la Grèce, le Royaume-Uni, la Suisse ou encore la Suède ont aussi répondu présents.

300 militaires russes stationnés en Syrie ont commencé à aider au déblaiement des décombres selon Moscou, et même l'Ukraine, actuellement en guerre, a proposé d'apporter son aide. Plusieurs pays d'Asie et du Moyen-Orient se sont aussi dit mobilisés, de même que les Etats-Unis et le Canada.

La province d'Idleb au coeur des inquiétudes

Mais, au-delà des considérations diplomatiques, la communauté internationale doit également faire face à des difficultés d'accès, notamment concernant la province d'Idleb. Tenue par les rebelles et les jihadistes, elle compte 4,8 millions de personnes, qui bénéficiaient jusqu'ici de l'aide humanitaire grâce au point de passage de Bab al-Hawa, depuis la Turquie. Ce dernier, obtenu par résolution des Nations unies, est contesté par Damas et Moscou, qui dénoncent une violation de la souveraineté syrienne.

Sous pression de la Russie et de la Chine, ce canal humanitaire a été réduit au fil du temps, passant de quatre points de passage à seulement un. Bab al-Hawa pourrait ainsi être rapidement congestionné par l'afflux de matériel nécessaire pour aider la population après le séisme. Surtout en sachant que ces dons transiteraient par la Turquie, elle-même dévastée par le tremblement de terre.

L'acheminement de cette aide depuis le territoire syrien contrôlé par Damas jusqu'à Idleb poserait d'autres problèmes, d'ordre diplomatique. Cela supposerait, en premier lieu, que le régime officiel syrien veuille bien donner leur part aux populations de la zone rebelle, et que les belligérants s'accordent sur la distribution.

«A TOUS LES SYRIENS, SUR TOUT LE TERRITOIRE»

Lundi, à l'ONU, l'ambassadeur syrien aux Nations unies a plus ou moins rejeté l'idée d'une aide acheminée par des points transfrontaliers. Assurant que «les accès à partir de la Syrie existent», Faycal Moqdad a promis que les dons iraient «à tous les Syriens sur tout le territoire». «Ils peuvent se coordonner avec le gouvernement et nous seront prêts à le faire», a-t-il insisté.

Mais pour l'heure, plusieurs pays bottent en touche, comme la France et l'Allemagne. D'après une source gouvernementale, cette dernière aurait décidé d'utiliser les «canaux habituels» des ONG pour venir en aide aux Syriens.

Raphaël Pitti, un responsable de l'ONG française Mehad, ne se fait pas trop de souci pour les zones sous l'autorité de Damas. Il estime qu'elles recevront sans doute prochainement l'aide internationale, «comme cela a toujours été fait depuis dix ans». La population d'Idleb l'inquiète davantage, puisqu'il craint qu'elle ne soit laissée pour compte.

Lundi, les Emirats arabes unis ont promis quelque 13,6 millions de dollars à la Syrie. Il s'agit sans doute de l'aide la plus immédiate que peut espérer le pays pour faire face à l'urgence après le séisme. Cette mobilisation des Emirats s'inscrit dans la démarche défendue par les dirigeants arabes lors de leur sommet à Alger, en novembre dernier. Ils avaient alors souligné la nécessité «d'un rôle arabe collectif et capital dans les efforts visant à mettre fin» à la guerre civile en Syrie.

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