Suspendues dans de nombreux pays européens durant la pandémie, les expulsions ont repris en 2021. La 7e édition du Regard sur le mal-logement en Europe craint de les voir augmenter encore à l'avenir, notamment en raison de la hausse des impayés.
Au sein de l'Europe, le logement n'est plus un acquis pour tous. A l'occasion de l'édition 2022 du Regard sur le mal-logement en Europe, publiée ce jeudi 30 juin, la Fondation Abbé Pierre et la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (FEANTSA) s'inquiètent entre autres de la hausse des impayés de loyers. A terme, cela pourrait entraîner davantage d'expulsions.
Les chiffres montrent qu'un ménage pauvre sur dix se trouve en situation d'impayé de loyer ou de remboursement d'emprunt immobilier. Selon le rapport, cette part a augmenté de 20 % entre 2019 et 2020. Une donnée inquiétante, sachant que les expulsions sont, dans la majorité des cas, déclenchées à la suite de retards de paiement.
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Jeudi 30 juin
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Surtout qu'à l'heure actuelle, le coût de la vie est globalement en hausse. Les loyers eux-mêmes ont connu une augmentation constante au cours de la dernière décennie, à +16 % entre 2010 et 2021. Et les ménages européens ont dû faire face à une augmentation des charges liées à leur logement.
A elle seule, la facture énergétique a grimpé de 10 % entre 2020 et 2021. Le poids du logement et des coûts afférents représentaient ainsi plus d'un quart (25,7 %) des dépenses l'année dernière, soit une augmentation de 2,2 points par rapport à 2020.
Ce alors même que 31,8 % des ménages pauvres étaient déjà en taux d'effort excessif cette année-là. Sachant que cet indicateur est caractérisé lorsqu'un foyer européen dépense plus de 40 % de ses revenus moyens disponibles dans les coûts liés au logement.
Durant la pandémie, en mars 2021, 5,4 % des ménages interrogés dans le cadre d'une enquête d'Eurofound risquaient de devoir quitter leur logement dans les trois mois, incapables de payer leur loyer. Pourtant, le début de la crise, en 2020, a été marqué par des baisses plus ou moins importantes des expulsions, grâce à l'adoption de moratoires instaurant leur suspension dans un grand nombre de pays européens. En France, par exemple, les expulsions ont réduit de moitié à ce moment-là.
Mais depuis, ces moratoires, de même que toutes les mesures de protection adoptées d'urgence pendant la crise sanitaire, ont progressivement pris fin. Avec leur levée, les expulsions effectives ont repris à un rythme soutenu en 2021.
Au nombre de 41.000, elles ont notamment augmenté de 40 % en Espagne par rapport à 2020. Le bilan est plus lourd encore en Irlande, où les avis d'expulsion ont augmenté de 60 % sur la même période. Le nombre de personnes sans domicile y a connu une hausse de 14 % dans les six mois qui ont suivi la levée des mesures de confinement, en avril 2021.
En dehors du fait qu'elle risque d'augmenter le nombre de personnes en situation de détresse, l'exécution massive et soudaine des expulsions suspendues pendant la pandémie pourrait aussi entraîné un engorgement des systèmes judiciaires.
Le sans-abrisme éradiqué d'ici à 2030 ?
Or, pandémie ou non, la vie à la rue est toujours aussi meurtrière, selon le rapport. En 2021, le Collectif des Morts de la rue a décompté 623 décès de personnes sans chez soi en France. Soit une hausse de 6 % par rapport à 2020. C'est pire en Angleterre, où une augmentation de 80 % a été observée en deux ans seulement, avec 1.286 sans-abri décédés l'année dernière.
La FEANTSA et la Fondation Abbé Pierre rappellent qu'en 2021, les 27 états membres de l'Union européenne se sont engagés à mettre fin au sans-abrisme, d'ici à 2030. Un engagement concrétisé par le lancement de la Plate-forme européenne de lutte contre le sans-abrisme. Pourtant, les deux organismes jugent que la saturation des systèmes d'hébergement et le manque de solutions pour permettre aux plus vulnérables d'accéder à un logement digne et abordable restent «alarmants dans une majorité d'états membres».
Et la guerre en Ukraine, qui a entraîné le déplacement de millions de personnes, risque en plus d'augmenter la pression exercée sur les services d'aide. Qu'elles soient réfugiées ou en demande d'asile, les personnes ayant un parcours de migration sont particulièrement vulnérables à la privation de domicile.
Aussi, pour que l'Europe honore son devoir d'inconditionnalité de l'accueil et respecte le droit au logement tel qu'il est entériné par le principe 19 du Socle européen des droits sociaux, la FEANTSA et la Fondation Abbé Pierre recommandent de travailler à la prévention des expulsions.
Notamment pour veiller à ce que, conformément au droit international, personne ne soit expulsé sans relogement, devenant sans domicile par ce biais. Pour cela, il convient d'installer un cadre légal adéquat et des services dédiés, agissant le plus en amont possible de l'expulsion, pour apporter leur conseil en matière de logement et de gestion de budget, par exemple.
Les deux organismes préconisent également de garantir un stock suffisant de logements abordables et accessibles, pour permettre le relogement rapide des personnes à faibles (ou sans) revenus. Des mesures qui nécessitent un budget suffisant alloué aux politiques sociales, mais aussi une plus grande coopération. Elle doit s'inscrire entre les services et s'associer à une coordination des stratégies locales par une stratégie nationale.