Dans plusieurs pays, les femmes ont obtenu le droit de bénéficier de jours de congés lorsqu’elles souffrent de règles douloureuses. Bien plus présent en Asie qu'ailleurs, le congé menstruel n'existait pas en Europe avant 2023.
L'idée du congé menstruel fait son chemin en France avec plus ou moins de succès. Pour l'heure, le dispositif permettant aux femmes de s'absenter du travail en cas de règles douloureuses, aussi appelées dysménorrhées, sans perte de salaire, n'a pas encore été adopté. La dernière proposition en date vient de la sénatrice PS Hélène Conway-Mouret, dont le projet de loi a été discuté au Sénat le 15 février dernier.
Si le texte divise les partis politiques par crainte d’abus et de fraude, certains acteurs comme la mairie de Saint-Ouen-sur-Seine ou le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis ont déjà mis en place ce type d’arrêt. En février 2023, un de nos voisins européens a même franchi le cap du congé menstruel adopté à l'échelle nationale.
L'espagne
Pour l'heure, l'Espagne est le seul pays européen - et le dernier en date - à avoir adopté le congé menstruel. Le 16 février 2023, la chambre basse espagnole adoptait officiellement la loi organique sur la santé sexuelle et reproductive et l'interruption volontaire de grossesse.
Les femmes Espagnoles sujettes à des dysménnorrhées peuvent désormais faire la demande d'un arrêt maladie signé par leur médecin traitant, sans durée limitée. La loi prévoit que l’État finance entièrement ce congé.
Le Japon
Le Japon est le pionnier mondial en la matière, puisqu’il a instauré ce congé en 1947. Destiné aux femmes qui souffrent de fortes douleurs pendant leurs règles, il leur permet de prendre quelques jours de repos tous les mois pendant leurs menstruations. C’est à l’employeur de décider de combien de jours les femmes disposent.
Il ne s’agit pas d’une obligation, et les femmes sont libres de décider si elles souhaitent prendre ou non ces congés. Selon CNN, si ce dispositif a connu un certain succès les années qui ont suivi son lancement, avec 26% de femme qui y ont fait appel en 1965, aujourd’hui, très peu de femmes continuent de l’utiliser. En effet, en 2017, 0,9% des salariées ont utilisé ce congé menstruel.
Cela peut s’expliquer par le fait que beaucoup de femmes ne connaissent pas ce droit, les entreprises n’en faisant généralement pas la publicité, explique Yumiko Murakami, directrice du Centre de Tokyo de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à CNN. De plus, les entreprises ne sont pas tenues de rémunérer les salariées lors de ce type de congés, ce qui peut décourager certaines femmes à le prendre.
La Corée du Sud
La Corée du Sud a mis en place ce congé en 2001, mais son recours a aussi considérablement diminué au fil des années. En 2013, 23,6% des femmes l’utilisaient, contre 19,7% en 2017.
Car si la loi autorise les femmes à poser ce congé d’un jour par mois (non-rémunéré), elles ont surtout le droit à une prime si elles ne prennent pas ces jours de repos auxquels elles ont droit. La loi leur permet donc de prendre des congés, mais les incite à ne pas le faire.
L'Inde
En Inde, un pays dans lequel les règles sont pourtant un véritable tabou, l’entreprise leader de la livraison de repas Zomato (équivalent de Uber Eats ou Deliveroo), a sauté le pas et décidé d’octroyer ce droit à ses employées au mois d’août dernier. Elles pourront bénéficier de dix jours supplémentaires de congés payés par an si elles souffrent de règles douloureuses. Cette mesure s’applique aussi aux personnes transgenres qui sont menstruées.
Une manière de lutter contre un véritable tabou, alors que les femmes n’ont parfois plus de droit de cuisiner, de rentrer dans des lieux de culte ou dans des écoles lorsqu’elles ont leurs règles. Mais ce dispositif reste isolé en Inde.
L'Indonésie
L’Indonésie est l’un des premiers pays à avoir instauré ce congé, en 1948, donnant le droit aux femmes à deux jours de congés menstruels par mois. Cette loi a cependant été modifiée en 2003, explique le Nouvel Obs, laissant le congé menstruel faire l’objet d’une négociation entre les femmes et leurs employeurs. Ces jours peuvent être rémunérés ou pas, en fonction des discussions entre l’entreprise et la salariée. Les femmes doivent également fournir un certificat médical pour prouver qu’elles ont bien leurs règles.
Taiwan
À Taiwan, les femmes bénéficient de trois jours de congés payés supplémentaires par an depuis 2013. Ils s’ajoutent ainsi aux trente jours de congés maladies (à moitié payés) auxquels ont droit tous les salariés. Au-delà de ces trois jours par an, les femmes verront leur salaire diminuer si elles souhaitent prendre davantage de congés menstruels.
La Zambie
En 2015, la Zambie a mis en place le congé menstruel, à raison d’un jour supplémentaire de repos par mois pour les femmes, quel que soit leur âge, et tant dans la fonction publique que dans le secteur privé. Pourtant, les règles et la sexualité restent un grand tabou, et ce jour de congé est appelé «fête des mères», par pudeur, rapporte l'AFP.
L’adoption de cette loi avait suscité la controverse, et beaucoup d’hommes et de femmes dénonçaient des abus, notamment de femmes qui utilisaient ce jour comme un jour de congé payé.
QUID DU RESTE DE L'EUROPE ?
Mis à part le cas de l'Espagne, les congés menstruels n’existent pas dans les législations des pays européens. Cependant, une entreprise britannique, Coexist, qui emploie en majorité des femmes, a mis en place en 2016 des congés au sein de l’entreprise.
En 2017, un projet de loi avait été examiné par le Parlement italien, pour permettre aux femmes de bénéficier de trois jours de repos supplémentaires par mois en période de règles douloureuses. Cette mesure a finalement été abandonnée. Au-delà des abus, la principale critique formulée contre ces congés est la stigmatisation qu’ils peuvent engendrer pour les femmes. Beaucoup craignent que les entreprises rechignent d’autant plus à embaucher des femmes, ou diminuent leur rémunération si elles prennent ces congés.
En France, le congé menstruel fait aussi l’objet de débats, alors que les dysménorrhées sont la première cause d’absentéisme à l’école ou au travail chez les adolescentes et les jeunes actives. Face aux critiques contre ce congé, le télétravail peut être envisagé comme solution, en permettant aux femmes de travailler depuis chez elle, dans un environnement plus confortable, quand les douleurs deviennent trop handicapantes.