Tous les malades du Covid-19 ne se ressemblent pas. Certains sont dans un état grave, quand d'autres n'ont aucun symptôme ou développent une forme bénigne. Cela veut-il dire que tous ne seront pas également protégés, une fois guéris, face au coronavirus ? Les personnes contaminées ont-elles une immunité différente selon l'intensité de la maladie ?
Pour répondre à cette question, il faut déjà déterminer quelle réaction immunitaire est la plus protectrice face au coronavirus. D'après Sophie Ugolini, directrice de recherche Inserm au Centre d'Immunologie de Marseille-Luminy, les différentes formes de la maladie traduisent justement des réponses immunitaires distinctes.
«Chez une majorité d'individus, l'infection survient et est maîtrisée en quelques jours, certains ne montrent même pas de signes cliniques». Cette première phase indique que «le système immunitaire est activé et répond contre le virus».
La plupart du temps, le coronavirus en reste là. Sauf pour les cas graves qui entrent dans une seconde phase. On assiste alors à «une sorte d'emballement inflammatoire, avec une production de cytokines en grande quantité», décrit Sophie Ugolini.
Produites par le système immunitaire, les cytokines sont des molécules qui favorisent la réaction inflammatoire en cas d'infection, afin de défendre le corps agressé par un pathogène.
Dans les cas graves de Covid-19, on peut donc dire que le système immunitaire est surinvesti. On parle parfois d'«orage cytokinique» pour qualifier cette réaction immunitaire excessive.
Cytokine storm: how the immune system can go into overdrive during a severe respiratory illness @AFP pic.twitter.com/5n3Fo7oI1Q
— AFPgraphics (@AFPgraphics) April 4, 2020
Dans cette situation, la mobilisation la plus forte du système immunitaire n'est donc pas la plus protectrice. Sophie Ugolini estime que les malades les plus durement touchés ne seront pas forcément les mieux immunisés ensuite.
«J'ai tendance à penser que les personnes asymptomatiques sont celles qui ont le mieux réagi au virus, puisqu'elles ont réussi a l'éliminer sans développer de signes cliniques. Cela pourrait montrer qu'elles ont la réponse la plus protectrice. Mais c'est un avis personnel, sur ce point les recherches sont en cours.»
Pour déterminer quelle forme de la maladie génère l'immunité la plus efficace, il faut procéder à des tests sérologiques. Ils permettent de savoir si une personne a été infectée ou non.
«Pour savoir si un individu est immunisé, on va chercher dans son sang des anticorps spécifiques au coronavirus». L'idéal serait de trouver des anticorps neutralisants, à savoir «ceux qui sont capables de bloquer l'infection, d'empêcher le virus d'entrer dans les cellules».
La production des anticorps «retardée»
Concernant ces tests, Jean-François Delfraissy, immunologue à la tête du comité scientifique qui guide le gouvernement dans la lutte contre le coronavirus, insiste sur la nécessité de prendre en compte la temporalité de l'immunité.
Interrogé par France 2, il indique qu'«il semble que la production des anticorps soit retardée» quand on développe «une forme faible, voire asymptomatique» de Covid-19. Ainsi, l'immunité ne serait pas effective «au bout de deux semaines, comme d'habitude, mais beaucoup plus tardivement, à J28».
Une information à prendre en compte au moment des tests sérologiques, afin d'éviter les faux négatifs.
A l'heure actuelle, il est encore difficile de savoir quelle part de la population française a été infectée par le coronavirus et est donc potentiellement immunisée. Un sondage du syndicat de généralistes MG France, regroupant les données de 2 000 médecins, évalue le nombre de cas possibles à 1,5 million.
L'épidémie de #covid19 vue par les médecins généralistes. Probablement 1,5 millions de français touchés.
Un sondage de @MG_france sur plus de 2000 médecins généralistes pic.twitter.com/84GzePFMd5— MG FRANCE (@MG_France) April 6, 2020
Pour Jean-François Delfraissy, il est «encore prématuré de donner un chiffre» mais «une série d'études dans les régions de l'Oise et du Grand-Est», recoupée avec «des données italiennes et chinoises», semblerait estimer la part des Français infectés à hauteur de «10% à peu près».
Si cette tendance se vérifie, cela signifie qu'une grande partie de la population n'a pas été immunisée contre le coronavirus. Or, une immunité de groupe, lorsque le pourcentage de personnes protégées est très important, permet d'enrayer l'épidémie puisque le virus a dans ce cas-là bien plus de mal à trouver des hôtes pour se propager.
Que leur réponse immunitaire soit particulièrement efficace ou non, ces 10% d'immunisés supposés ne seraient donc pas assez nombreux pour envisager une stratégie de déconfinement reposant sur l'immunité.