Pour mettre fin à l'épidémie de coronavirus, certains pays, comme l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, misent sur «l'immunité de groupe» ou «immunité collective». Une voie risquée.
Il s'agit d'une stratégie de santé publique qui peut être appliquée en cas de propagation de maladie contagieuse, faute d'un vaccin. Le principe est simple : au-delà d'un certain pourcentage de contamination dans la population, la maladie – ici le coronavirus – ne parvient plus à circuler, faute de nouvelles personnes à atteindre.
Le seuil «d'immunité de groupe» varie en fonction de la contagiosité des pathologies, mais les scientifiques estiment qu'il faudrait que la majorité d'une population (donc plus de 50 %) soit touchée. Angela Merkel a d'ailleurs prédit que «60 à 70% des Allemands serait infectés par le coronavirus», ce qui pourrait représenter le seuil «d'immunité de groupe» outre-Rhin.
Dans le cas de la France, la barre serait donc placée au minimum à 33 millions de personnes. Un chiffre qui peut paraître énorme comparé aux 9.134 cas officiellement recensés dans le pays au mercredi 18 mars, mais qui doit être nuancé. Le nombre réel de personnes infectées est en effet bien supérieur, mais la plus grande partie n'ont pas ou peu senti les effets de la maladie et n'ont donc pas été testés.
«Aplanir» la courbe épidémique
Ensuite, les personnes déjà contaminées et les défenses immunitaires qu'elles auront développées doivent en théorie permettre de faire barrière à la transmission globale du virus. Et les individus qui n'ont pas été infectés jusque-là sont considérés de fait comme immunisés. Cette technique présente aussi l'avantage d'éviter un retour de l'épidémie lorsque les personnes confinées – et donc non immunisées – ressortent de chez elles.
Et si un vaccin devient disponible, l'administration de ce remède préventif à un certain pourcentage de la population permettrait d'atteindre «l'immunité de groupe». Mais dans le cas du Covid-19, le seul moyen connu pour l'instant est qu'une personne attrape la maladie et en guérisse.
Pour autant, cette stratégie «d'immunité collective» comporte un gros risque : que la propagation très rapide du coronavirus submerge les hôpitaux avec une multitude de patients. Faute d'un système de santé ultra-solide, cela aurait pour conséquence de très nombreuses victimes, parmi les porteurs de la maladie ainsi que chez les personnes qui nécessiteraient d'autres soins urgents.
C'est pourquoi Boris Johnson, le Premier ministre du Royaume-Uni, a infléchi sa méthode lundi 16 mars. Alors qu'il n'avait guère pris de mesures pour limiter l'épidémie, un rapport scientifique a fait apparaître que cette voie pourrait coûter la vie à 500.000 personnes. Les Britanniques ont donc finalement décidé de contrôler la dissémination du virus, avec la réduction des déplacements et la fermeture des écoles.
L'Allemagne renforce ses soins intensifs
Les Pays-Bas ont aussi misé sur la même idée, puisque les autorités ne souhaitent – pour le moment – pas confiner la population. «Les experts nous disent, alors que nous attendons un vaccin ou un médicament, que nous pouvons ralentir la propagation du virus et en même temps former une immunité de groupe de manière contrôlée», explique le Premier ministre néerlandais Mark Rutte.
Idem pour l'Allemagne, où Angela Merkel a toutefois décidé de fortement renforcer les capacités d'accueils en soins intensifs face à la hausse du nombre de cas. Des hôtels et des halles vont ainsi être transformés en hôpitaux, alors que le pays dispose déjà d'environ 25.000 lits de réanimation. A titre d'exemple, la France en possède 5.500 et l'Italie 5.100.
A l'opposé, la France, comme l'Espagne, l'Italie et la Chine, a opté pour la stratégie de «l'endiguement», c'est-à-dire essayer de stopper le coronavirus en empêchant les contacts entre les gens. La maladie ne peut donc plus se propager et devrait finir par s'éteindre d'elle-même, dans la théorie. Mais si le confinement ne fonctionne pas suffisament, il faudra alors attendre le seuil «d'immunité collective» pour vaincre le coronavirus dans l'Hexagone.