Le leader des travaillistes britanniques, Jeremy Corbyn, s'est exprimé dimanche contre un second référendum sur le Brexit, mais a promis qu'il se conformerait à l'avis de la majorité de son parti, réuni en congrès à Liverpool.
«Je n'appelle pas à un nouveau référendum», a affirmé le chef de l'opposition dans un entretien avec le Sunday Mirror. Alors que les négociations du Brexit sont «dans l'impasse» selon les mots prononcés vendredi par la Première ministre Theresa May, Jeremy Corbyn estime que «la meilleure manière de régler cette situation est de convoquer des élections législatives».
Il a néanmoins annoncé qu'un vote sur un nouveau référendum serait organisé avant la fin du congrès travailliste mercredi, mais a souligné que la question qui serait soumise aux militants n'avait pas encore été définie. «Je respecterai ce qui sera décidé au cours de ce congrès».
Selon un sondage YouGov pour The Observer dont les résultats ont été publiés dimanche, 86% des adhérents du Labour sont favorables à l'organisation d'un référendum sur le résultat final des négociations du Brexit, tandis que 8% y sont opposés.
Près de 5.000 personnes favorables à l'organisation d'un «vote populaire» ont défilé dans les rues de Liverpool dans l'après-midi, accentuant la pression sur le patron des travaillistes.
«Il n'est pas trop tard», «Jeremy écoute-nous», «Nous sommes ici pour nos petit-enfants», pouvait-on lire notamment sur les pancartes des manifestants.
Jeremy Corbyn «doit écouter les membres» du Labour, a confié à l'AFP Claire Hallett, 60 ans, venue participer à la marche avec son chien, couvert d'un drapeau européen. «En tant que leader, il ne peut pas s'en tenir à sa propre opinion, il doit représenter l'opinion du parti».
Plusieurs députés et figures du parti travailliste, dont le maire de Londres Sadiq Khan, ont déjà pris position en faveur d'une nouvelle consultation, pour laquelle milite également la confédération syndicale TUC.
Jeremy Corbyn avait quant à lui évité jusque-là ce sujet sensible. Il a rappelé dimanche sur la BBC que 40% des électeurs du Labour avaient voté en faveur du Brexit au référendum de juin 2016.
Antisémitisme
Aux dernières élections législatives, Jeremy Corbyn avait axé sa campagne sur la politique intérieure, notamment les questions économiques et sociales, une tactique qui s'était révélée payante et qu'il a poursuivie par la suite.
Tim Bale, un professeur de l'Université Queen Mary de Londres, estime que la direction du parti évitera de se positionner trop nettement dans les débats internes sur la question. «Elle s'inquiète beaucoup de la réaction de l'électorat si le parti prenait une position plus pro-européenne», a-t-il expliqué à l'AFP.
Divisé sur le Brexit, le Labour s'est aussi déchiré ces derniers mois sur la question de l'antisémitisme. La crise a été alimentée par la réticence du parti à adopter la définition complète de l'antisémitisme de l'International Holocaust Remembrance Alliance, de crainte que cela ne l'empêche de critiquer la politique israélienne.
Jeremy Corbyn a reconnu en août que sa formation avait un «réel problème» d'antisémitisme et assuré que sa priorité était de «rétablir la confiance» avec la communauté juive.
Mais pour Anand Menon, un professeur de politique européenne du King's College de Londres, «s'ils veulent que la conférence réussisse, ils vont devoir s'attaquer à la question de l'antisémitisme et ne pas prétendre qu'ils l'ont déjà réglée».
«C'est une position délicate que d'être juif au sein de parti travailliste, et je ne peux pas croire que l'on en soit arrivé là», a reconnu la députée Ruth Smeeth lors d'un évènement organisé dimanche par le Jewish Labour Movement en marge du congrès. «Mais nous allons remporter cette bataille», a-t-elle affirmé.
Jeremy Corbyn a donc plus que jamais pour mission de rassembler ses troupes, d'autant qu'un projet en débat au sein du parti risque de fâcher une partie des députés travaillistes. Il prévoit que les parlementaires souhaitant se représenter aux élections ne soient pas automatiquement reconduits et se soumettent au vote des militants.
Une procédure soutenue par Momentum, le puissant groupe de militants partisans de M. Corbyn, qui vante son caractère démocratique et espère un renouvellement générationnel. Les opposants au projet craignent, quant à eux, de possibles purges.
Le risque est que des députés évincés «décident de former leur propre parti», a précisé à l'AFP Steven Fielding, professeur d'histoire politique à l'université de Nottingham. «Dans ce cas, cela pourrait empêcher le Labour de gagner les prochaines élections et Jeremy Corbyn d'accéder au pouvoir. C'est donc une question très importante.»