Les médias d'Etat syriens se sont rétractés mardi, évoquant une «fausse alerte» après avoir annoncé dans la nuit que la défense aérienne syrienne avait abattu des missiles au-dessus de la province centrale de Homs.
«Une fausse alerte concernant une violation de l'espace aérien durant la nuit a entraîné le déclenchement des sirènes de la défense aérienne», reconnaît l'agence officielle Sana, citant une source militaire. «Il n'y a pas eu d'attaque extérieure sur la Syrie», précise-t-elle.
L'agence officielle syrienne avait affirmé que des missiles avaient été interceptés mardi par la défense aérienne dans le pays, trois jours après des frappes occidentales menées en représailles à une attaque chimique présumée qui fait l'objet d'une enquête de l'OIAC dont les enquêteurs sont attendus mercredi à Douma.
La défense aérienne syrienne «a abattu des missiles qui étaient entrés dans l'espace aérien au-dessus de la province de Homs» qui couvre le centre de la Syrie, avait affirmé l'agence de presse officielle Sana.
La télévision officielle syrienne n'a pas identifié l'origine des missiles mais a dénoncé une «agression».
Interrogé par l'AFP, un porte-parole de l'armée syrienne qui a déjà mené dans le passé des frappes en Syrie, a déclaré ne pas être «au courant d'un tel incident». Et le Pentagone a démenti toute implication des Etats-Unis et de leurs alliés.
Cette annonce intervient trois jours après les frappes des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne contre des sites militaires du pouvoir de Bachar al-Assad, à la suite de l'attaque chimique présumée du 7 avril dans la ville alors rebelle de Douma, dans la Ghouta orientale, aux portes de Damas.
C'est à cette ville que les experts de l'Organisation internationale pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), qui ont entamé leur enquête dimanche, attendaient de pouvoir accéder pour enquêter sur cette attaque au gaz présumée.
La Russie a affirmé que leur entrée avait été retardée en raison de «problèmes de sécurité», notamment en raison des routes devant être déminées. Elle a ensuite assuré que leur arrivée était prévue mercredi.
La mission de l'OIAC «n'a pas encore été déployée à Douma», a annoncé lundi à La Haye le directeur de l'organisation, Ahmet Uzumcu, lors d'une réunion d'urgence des Etats membres du conseil exécutif. La Syrie et la Russie ont invoqué des "problèmes de sécurité», a-t-il ajouté.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a nié toute mauvaise volonté, qualifiant les informations faisant état d'une «entrave» aux inspecteurs de l'OIAC de «sans fondement» et soulignant que la Russie était dès le début «pour une enquête impartiale».
Travail d'enquête compliqué
Les frappes occidentales sont intervenues malgré la présence en Syrie des enquêteurs de l'OIAC qui ont débuté dimanche leur mission dans le plus grand secret. Ces experts ont pour mandat d'enquêter sur l'utilisation éventuelle d'armes chimiques, mais pas d'en identifier les auteurs.
Leur travail s'annonce compliqué, plus d'une semaine après les faits, dans une zone passée depuis sous le contrôle du régime syrien et de la police militaire russe. Les derniers combattants rebelles de Douma ont quitté samedi la ville en ruines dans le cadre d'un accord de reddition signé le 9 avril, deux jours après l'attaque présumée.
Les Etats-Unis soupçonnent par ailleurs la Russie d'avoir manipulé le site de Douma pour empêcher la découverte de preuves. «Les Russes pourraient avoir visité le site de l'attaque. Nous craignons qu'ils ne l'aient altéré dans l'intention de contrecarrer les efforts de la mission de l'OIAC pour mener une enquête efficace», a déclaré l'ambassadeur américain auprès de l'organisation, Ken Ward.
«Cela soulève de sérieuses questions sur la capacité de la mission d'enquête de faire son travail», a-t-il ajouté.
Moscou, grand allié de Damas, s'est engagé à «ne pas s'ingérer» dans le travail de la mission de l'OIAC, officiellement invitée par les autorités de Damas.
Le régime syrien nie que des armes chimiques aient été employées dans le drame de Douma, qui a fait au moins 40 morts et des centaines de blessés selon les secouristes.
«Demander des comptes»
Le Royaume-Uni a quant à lui exhorté l'OIAC à «demander des comptes aux auteurs de l'attaque».
«Ne pas agir pour demander des comptes aux auteurs ne fera que créer le risque d'autres utilisations barbares d'armes chimiques, en Syrie et ailleurs», a déclaré l'ambassadeur britannique à La Haye Peter Wilson.
Dans la capitale syrienne, fief du régime, des milliers de personnes ont envahi lundi la place des Omeyyades, fermée à la circulation pour l'occasion, brandissant drapeaux syriens et portraits du président Assad pour dénoncer les frappes occidentales.
Désormais, la priorité est le démantèlement total du programme chimique syrien, a déclaré l'ambassadeur français à La Haye, Philippe Lalliot.
«Les faits sont là et têtus. Ils résistent aux mensonges les plus grossiers et aux dénégations les plus absurdes», a-t-il dit, affirmant qu'il n'y avait plus de doutes : «la Syrie a conservé un programme chimique clandestin depuis 2013».
Cette année-là, après l’attaque au gaz sarin de la Ghouta qui déjà avait fait plusieurs centaines de morts selon les Occidentaux, le régime de Bachar al-Assad avait fini par rejoindre l'OIAC sous la pression internationale, et pris l’engagement formel de déclarer tous ses stocks et de ne plus jamais utiliser d’armes chimiques.
Paris a annoncé lundi avoir engagé la procédure de retrait de la légion d'honneur, plus haute distinction française, à l'encontre de Bachar al-Assad.
Par ailleurs, Américains, Français et Britanniques ont présenté à l'ONU un nouveau projet de résolution sur la Syrie, visant selon l'ambassadeur français à l'ONU, François Delattre, à «relancer une action collective pour le Conseil de sécurité sur le dossier chimique, pour protéger la population civile et travailler sur un règlement politique de la crise syrienne».