Une réunion de l'OIAC est prévue lundi, au lendemain du lancement en Syrie de l'enquête de ses experts sur l'attaque chimique présumée qui a entraîné des frappes occidentales contre le régime de Bachar al-Assad et provoqué un vif regain de tensions diplomatiques.
Le plus grand secret entoure le travail de la mission de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), qui a pour mandat d'enquêter sur l'utilisation éventuelle d'armes chimiques mais pas d'en identifier les auteurs. Peu de détails ont filtré sur la réunion prévue au siège de l'OIAC à La Haye.
Dimanche, le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Mokdad, s'est rendu à l'hôtel où réside la mission de l'OIAC à Damas et en est ressorti trois heures plus tard, a constaté une journaliste de l'AFP.
Les missions d'enquête de l'OIAC débutent toujours par une série d'entretiens privés avec des officiels.
Il n'était en revanche pas confirmé que les experts se soient rendus sur place, à Douma, comme l'avait annoncé dans la matinée à l'AFP un officiel syrien. «Nous laisserons l'équipe faire son travail de manière professionnelle, objective, impartiale et loin de toute pression. Les résultats de l'enquête infirmeront les allégations mensongères» contre Damas, avait assuré ce responsable syrien.
«Action illégale»
Le président russe Vladimir Poutine, allié indéfectible de la Syrie, a mis en garde dimanche les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, les trois pays qui ont mené l'opération militaire : une nouvelle frappe et ce sera «inévitablement le chaos» dans les relations internationales, a-t-il déclaré, cité dans un communiqué du Kremlin diffusé après une conversation téléphonique avec son homologue iranien Hassan Rohani, autre grand allié du régime syrien.
L'ambassadrice américaine à l'ONU Nikki Haley a annoncé que les Etats-Unis prendraient dès lundi de nouvelles sanctions contre la Russie en lien avec l'utilisation présumée d'armes chimiques par le régime syrien.
Mais, après cet épisode militaire réalisé hors du cadre des Nations unies, les Occidentaux ont fait savoir qu'ils voulaient relancer la diplomatie sur le dossier syrien, pays en proie depuis 2011 à une guerre complexe qui a fait plus de 350.000 morts.
MM. Poutine et Rohani ont, eux, estimé que l'«action illégale» des Occidentaux «endommageait sérieusement les perspectives d'un règlement politique en Syrie».
Dénonçant une campagne occidentale de «tromperie et de mensonges», le président Assad a affirmé que «l'agression tripartite» montrait que «la Syrie et la Russie mènent une seule et même bataille, non seulement contre le terrorisme mais aussi pour protéger le droit international fondé sur le respect de la souveraineté des Etats».
Mission américaine inchangée
Américains, Français et Britanniques ont présenté à l'ONU un nouveau projet de résolution sur la Syrie qui devrait être discuté à partir de lundi. Le texte inclut notamment la création d'un nouveau mécanisme d'enquête sur l'emploi d'armes chimiques.
La France «n'a pas déclaré la guerre» à la Syrie de Bachar al-Assad, a assuré dimanche M. Macron, qui a rappelé la volonté de Paris de trouver une solution politique «inclusive», regroupant tous les acteurs de la crise.
Il a affirmé avoir convaincu M. Trump de maintenir les troupes américaines en Syrie «dans la durée». Mais la Maison Blanche a elle assuré peu après que la mission des forces américaines déployées en Syrie «n'a pas changé» et que le président Donald Trump a dit qu'il voulait que «les forces américaines rentrent dès que possible» aux Etats-Unis.
Washington, Paris et Londres ont effectué samedi à l'aube des frappes contre trois sites présentés comme liés à un programme d'armement chimique syrien, sans faire de victimes, en représailles à une attaque chimique présumée le 7 avril à Douma, qui était alors le dernier bastion rebelle dans la Ghouta, près de Damas.
Critiquée pour avoir agi en dehors du cadre de l'ONU, la Première ministre devait s'expliquer lundi devant le parlement britannique.
Enquête compliquée
En Syrie, le travail s'annonce compliqué pour les enquêteurs qui arrivent plus d'une semaine après les faits, dans une zone passée depuis sous contrôle du régime et de la police militaire russe et ravagée par cinq ans de siège et une violente offensive lancée le 18 février.
Les derniers combattants rebelles de Douma, ainsi que des civils, ont été évacués samedi dans le cadre d'un accord de reddition signé le 9 avril, deux jours après l'attaque chimique présumée.
La région est désormais «nettoyée» de tous les insurgés, a annoncé l'armée syrienne.
Le régime a démenti toute implication dans cette attaque présumée qui, selon les secouristes en zones rebelles, les Casques blancs, a fait au moins 40 morts et des centaines de blessés.
En 2014, l'OIAC avait annoncé que la Syrie s'était débarrassée de ses armes chimiques conformément à un accord international. En 2017, une mission d'enquête conjointe avec l'ONU avait toutefois conclu que Damas avait utilisé du sarin, puissant gaz neurotoxique, à Khan Cheikhoun (nord-ouest) dans une attaque où 80 personnes avaient péri.
Les présidents américain Donald Trump et français Emmanuel Macron ont assuré avoir la preuve de l'utilisation d'armes chimiques à Douma.
Une responsable de l'administration américaine a notamment précisé que les Etats-Unis avaient des informations «plus claires» sur une utilisation de chlore mais aussi «des informations significatives» sur un usage de sarin.