Comment Maxime Hauchard, jeune Normand sans envergure, a pu devenir l'un des bourreaux les plus médiatisés de Daesh ?
Barbe fournie, bonnet noir, uniforme sable, le jeune homme de 23 ans a été formellement identifié fin 2014 dans une vidéo mettant en scène la décapitation de l'otage américain Peter Kassig et de 18 prisonniers de l'armée syrienne. Le regard fixe, quasi hypnotique, le Français brandit un couteau et pose une main sur sa victime. On ne le voit pas exécuter l'otage, mais on distingue la tête de ce dernier détachée de son corps. Preuve de l'importance prise par Hauchard au sein de la mouvance jihadiste, les États-Unis l'ont placé fin septembre sur leur liste des terroristes les plus recherchés.
Devant les juges d'instruction saisis de l'enquête en France, ses parents préfèrent évoquer, selon une source proche du dossier, "le gamin ouvert" avec qui "on pouvait discuter de tout", "le grand frère protecteur". "L'aspect saisissant de son parcours est à quel point il peut être banal", relève cette source. Hauchard a grandi à Bosc-Roger-en-Roumois (Eure), une commune de 3.200 habitants près de Rouen dans une famille chrétienne et sans histoire. A 17 ans, il monte une petite entreprise de revente de pièces de scooter. "Il était contre le système scolaire. Il voulait se faire tout seul", raconte son père aux magistrats.
Conversion à l'islam
Ses parents apprennent qu'il s'est converti à l'islam. Rapidement, le jeune homme se radicalise sur internet. "Les gens pensent qu'on a une sorte de gourou (...) mais, non, je n'ai jamais rencontré personne", assure-t-il à BFMTV depuis la Syrie, en juillet 2014. Sur les réseaux sociaux, il se donne un nom de guerre "Abou Abdallah al-Faransi", "le Français".
Entre octobre 2012 et mai 2013, il part deux fois en Mauritanie dans des centres d'études d'obédience salafiste. A son retour, tout a changé. "Il ne faisait plus la bise aux filles de la famille, quittait le repas lorsqu'il y avait une bouteille de vin sur la table, me demandait de mettre les infos lorsque j'écoutais de la musique", dit son père. Il ne parle jamais de religion, ne cherche pas à convertir son entourage. "Il m'a simplement dit que Mohamed Merah", le tueur de Toulouse et Montauban en 2012, "avait défendu les siens", note sa mère également auditionnée.
Un communicant qu'on expose
Dans le viseur de la Direction générale de la sécurité intérieure depuis ses séjours en Mauritanie, Hauchard ne sera jamais inquiété par la justice hormis une banale amende de 300 euros pour délit de fuite et circulation sans assurance. Le 17 août 2013, après avoir acheté des vêtements de camouflage, il prend la route de la Syrie via la Turquie. Sur Skype, unique lien avec sa famille, il dit "s'occuper des blessés" près du front.
En fait, il est pris en charge par les agents recruteurs de Daesh. L'enquête, ouverte en décembre 2014, révèle qu'"il habite une caserne qui compte plus d'une centaine de combattants", d'après une source proche du dossier. Hauchard n'est pas un homme de l'ombre, contrairement à la plupart des quelque 500 jihadistes français actuellement en Irak ou Syrie, mais un communicant qu'on expose. Sur internet, il poste des photos en tenue de combat, parade armes lourdes à la main, exhorte des candidats au jihad à le rejoindre.
Sa famille découvre la sanglante réalité en novembre 2014 avec la diffusion de la vidéo de décapitations intitulée "N'en déplaise aux mécréants". Le 26 décembre 2014, une information judiciaire est ouverte, Hauchard mis en examen pour "assassinats en lien avec une entreprise terroriste". Un mandat d'arrêt est délivré. Hauchard dit aujourd'hui "vouloir mourir en martyr". "Il faudra bien s'attendre à ce que ce soit l'armée islamique qui entre en France. Et ce sera bien mérité", écrivait-il sur Twitter trois jours avant les attentats parisiens de janvier.