La Turquie a jeté un froid vendredi en qualifiant son "plan d'action" avec l'UE, annoncé en grande pompe dans la nuit par Bruxelles pour faire face à la crise migratoire, de simple "projet" au budget "inacceptable".
La Hongrie a annoncé de son côté qu'elle allait fermer sa frontière avec la Croatie à minuit, un mois après en avoir fait autant avec la Serbie, pour couper la route vers l'Europe aux migrants qui ont justement transité par la Turquie.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, à l'issue d'un sommet des dirigeants européens à Bruxelles, la Commission européenne avait fait part de son "optimisme" en annonçant un accord avec Ankara pour endiguer ces flux.
Mais le ministre turc des Affaires étrangères Feridun Sinirlioglu a douché l'enthousiasme bruxellois. "Ce n'est pas définitif (...) c'est un projet sur lequel nous travaillons", a-t-il déclaré devant la presse, qualifiant notamment d'"inacceptable" l'aide financière proposée par l'UE.
La candidature de la Turquie
Face aux exigences de Bruxelles -accueillir davantage de réfugiés, renforcer la surveillance des frontières-, le plan d'action prévoit la relance des discussions sur la candidature de la Turquie à l'UE, un accès facilité aux visas pour les citoyens turcs et une aide financière.
C'est sur ce dernier point que la Turquie a tapé du poing sur la table, précisant avoir besoin d'au moins trois milliards d'euros pour la première année.
Les chefs d'Etats et de gouvernements européens se sont bien gardés de fixer le montant qu'ils sont prêts à verser, se contentant d'évoquer "de nouveaux financements, substantiels et concrets", lors du sommet de jeudi à Bruxelles.
Ces dernières semaines, l'exécutif européen avait proposé à Ankara un montant d'environ un milliard d'euros, en redirigeant vers l'aide aux réfugiés des fonds déjà envisagés pour la Turquie, dans le cadre d'autres partenariats.
Mais le chiffre de trois milliards a ensuite été évoqué, présenté par des sources européennes comme le montant minimal réclamé par Ankara.
Frontière Hongrie-Croatie fermée
La Commission est prête à mobiliser une partie de ce montant sur le budget de l'UE, mais son président Jean-Claude Juncker a clairement signifié aux Etats membres qu'ils allaient devoir mettre la main au portefeuille pour compléter.
"A trois semaines des élections, c'est de bonne guerre de chercher plus d'argent" du côté turc, a relevé un diplomate européen, estimant que la Turquie allait tenter de faire monter les enchères.
ci-dessus
Si l'UE insiste, c'est que la voie maritime entre la Turquie et les îles grecques est devenu l'accès le plus emprunté chaque jour par les migrants cherchant à rejoindre l'UE.
Sur leur route vers le nord, la Hongrie a annoncé vendredi qu'elle fermerait sa frontière avec la Croatie à minuit, un mois après en avoir fait autant avec la Serbie.
La veille, Budapest venait d'achever sa nouvelle clôture anti-migrants avec son voisin croate, membre de l'UE, mais qui n'appartient pas à l'espace Shengen.
Plus de 170.000 migrants sont entrés en Hongrie via la Croatie depuis le 15 septembre, les deux pays coopérant de facto pour assurer le transit quotidien.
La Pologne, la République tchèque et la Slovaquie ont annoncé l'envoi de renforts pour aider la Hongrie à sécuriser sa frontière.
Un Afghan abattu en Bulgarie
Un migrant afghan a par ailleurs été tué jeudi soir par la police des frontières bulgare. Il s'agit du premier cas connu de tir mortel de forces de l'ordre depuis le début de la crise qui a vu affluer plus de 600.000 migrants en Europe, selon les derniers chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Le jeune Afghan a été mortellement touché par un tir de sommation dont la balle a "ricoché", selon la police bulgare, qui tentait d'arrêter un groupe d'une cinquantaine de migrants qui venaient de franchir illégalement la frontière turque.
ci-dessus
Le président Rossen Plevneliev a déploré un "incident tragique". Le Haut-Commissaire de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a demandé une enquête sur le déroulement des faits.
Membre de l'UE, mais pas de l'espace Schengen de libre circulation, la Bulgarie reste en marge du principal flux de migration vers l'Europe occidentale, même si le pays a vu transiter plusieurs dizaines de milliers de personnes depuis le début de l'année.
Sofia, qui mène une politique sans concession de refoulement et de détention des migrants, a érigé dès 2013 une clôture de 30 kilomètres sur une section de sa frontière avec la Turquie, où sont mobilisés policiers et militaires.
A plusieurs centaines de kilomètres, dans le tunnel sous la Manche entre la France et l'Angleterre, un des nombreux migrants en quête de l'eldorado britannique est mort après avoir été percuté par un train.