Résistante, correspondante de guerre et écrivaine, Madeleine Riffaud s’est éteinte ce mercredi 6 novembre à l'âge de 100 ans.
«C’est avec une profonde tristesse que nous vous annonçons le décès de la résistante, poète, écrivain, journaliste et correspondante de guerre Madeleine Riffaud». C'est par ces quelques mots que la maison d’édition Dupuis a annoncé la mort de la femme de lettres engagée, âgée de 100 ans, connue pour avoir pris une part active à la résistance aux nazis, jusqu'à la libération de Paris.
«Une héroïne s'en est allée. Son legs : tout un siècle de combats», a de son côté salué le quotidien L'Humanité pour qui elle avait couvert les guerres d'Algérie et du Vietnam au cours de sa longue carrière.
«Elle était un personnage de roman, à l'existence tramée par la lutte, l'écriture, trois guerres et un amour. Une vie d'une folle intensité, après l'enfance dans les décombres de la Grande guerre, depuis ses premiers pas dans la résistance jusqu'aux maquis du Sud-Vietnam», a ajouté le quotidien.
Née le 23 août 1924, Madeleine Riffaud avait publié récemment le troisième et dernier tome de «Madeleine, résistante», ses mémoires de guerre en bande dessinée, avec Dominique Bertail au dessin, et Jean-David Morvan au scénario.
Originaire de la Somme, cette fille unique d'instituteurs a rejoint la résistance très tôt, prenant comme nom de guerre Rainer, en hommage à l’écrivain autrichien Rainer Maria Rilke. Devenue combattante clandestine, elle a ensuite intégré les Francs-tireurs et partisans (FTP) en 1944.
Prendre les armes
Le massacre d'Oradour-sur-Glane opéré par une division SS en juin de cette même année, a été un autre déclencheur. Le 23 juillet, elle a assassiné de deux balles dans la tête un gradé nazi sur le pont de Solférino, à Paris, provoquant son arrestation par la milice et son transfert à la Gestapo.
«Je regrette, d'ailleurs, d'avoir tué cet homme. Tu es là. Tu regardais la Seine. Est-ce qu'on peut être méchant, quand on regarde la Seine ? C'était peut-être un type bien. Mais ça... bon, c'est la guerre», disait-elle à ce propos.
Madeleine Riffaud a ensuite été torturée pendant plusieurs semaines, puis condamnée à mort, y échappant par miracle. Le 15 août 1944, elle a évité la déportation dans le «convoi des 57.000» en sautant du train.
Elle a ainsi pu poursuivre le combat et pris la tête d’un détachement de trois hommes au début de l’insurrection populaire à Paris.
Paul Éluard, son mentor
Après la libération de la capitale, fin août 1944, elle a alors tenté de s’engager dans l’armée régulière pour se rendre en Allemagne, mais étant âgée de moins de 21 ans et tuberculeuse, elle a été éconduite. La guerre s’est alors arrêtée pour elle, mais elle est restée victime de troubles de stress post-traumatique.
Rencontrant Paul Eluard, elle a pu lancer, grâce à son aide, une carrière de journaliste et a fait ses débuts dans Ce Soir, dirigé par Louis Aragon, puis dans La Vie ouvrière, hebdomadaire de la CGT.
Madeleine Riffaud a ensuite intégré le quotidien l’Humanité en 1957, couvrant pour lui la guerre d’Algérie. Cinq ans plus tard, à Oran, après avoir dénoncé la torture des opposants algériens, elle a été victime d'un attentat perpétré par l'OAS qui l'a envoyée à l’hôpital en Suisse pendant plusieurs mois.
Etrangement, si elle s'est montrée active et toujours engagée après la deuxième Guerre mondiale, elle a longtemps refusé de raconter son histoire personnelle.
C'est un autre grand résistant, Raymond Aubrac, qui l'a convaincue de franchir le pas, pour ne pas laisser tomber dans l'oubli les camarades morts au combat. Elle s'est alors racontée à partir de 1994 et des milliers d'enfants ont reçu la visite de cette grande dame dans les écoles.