Surnommé le «Oscar Schindler» portugais, Aristides de Sousa Mendes a, durant la Seconde Guerre mondiale, utilisé sa fonction de consul du Portugal à Bordeaux afin de délivrer des visas pour sauver 30.000 personnes dont un tiers de juifs. Un musée à sa mémoire est inauguré ce vendredi.
Aristides de Sousa Mendes a sauvé des dizaines de milliers de vies durant la Seconde Guerre mondiale en désobéissant et en délivrant des visas pour le Portugal, pourtant son histoire est souvent méconnue. Un musée consacré à son parcours hors du commun est inauguré ce vendredi 19 juillet à Carregal do Sal (Portugal).
Né en 1885, non loin de là, dans un petit village portugais du nom de Cabanas de Viriato, Aristides de Sousa Mendes grandit au sein d’une famille catholique de la noblesse portugaise.
Après des études de droit, il entame une carrière diplomatiques et occupe plusieurs délégations consulaires, notamment à Zanzibar, aux États-Unis, au Brésil et en Belgique.
À la fin de sa carrière, et un an avant le début de la Seconde Guerre mondiale, ce père d’une famille de quinze enfants est nommé consul à Bordeaux par Salazar.
une circulaire raciste de l'état portugais
Après la débâcle de la bataille de France, plusieurs millions d’Européens fuient vers le Sud de l’Europe, notamment vers le Portugal, en espérant parvenir à quitter le continent rapidement.
À l’instar de tous les diplomates portugais, Aristides de Sousa Mendes a reçu de nouvelles directives concernant la politique migratoire de son pays.
La circulaire n°14, en date du 11 novembre 1939, requiert l’autorisation préalable de Lisbonne pour délivrer des visas aux «étrangers de nationalité indéfinie, contestée ou en litige, les apatrides, les porteurs de passeports Nansen, les Russes, les juifs expulsés de leur pays d'origine ou de toute autre provenance, les étrangers en transit vers l'Amérique mais sans visa ou sans billet de passage».
Pourtant, les demandes de visa portugais explosent et sont essentiellement formulées par des réfugiés juifs et antifascistes.
En allant directement à l’encontre des ordres de ses supérieurs, dont ceux de Salazar lui-même, Aristides de Sousa Mendes accorde des visas sans distinction à ceux qui en font la demande.
Le Portugal constitue alors le dernier pays d’Europe continentale depuis lequel il est possible d’embarquer pour traverser l’Atlantique.
son amitié avec un rabbin pourrait avoir été décisive
Les historiens ne s’accordent pas sur les raisons qui ont poussé le consul portugais à désobéir. Certains avancent l’importance de sa foi catholique qui l’aurait poussée à considérer la circulaire raciste. D’autres affirment que ce sont ses études de droit qui l’ont convaincu du caractère anticonstitutionnel de la directive.
Une hypothèse semble toutefois prévaloir. Une conversation avec le rabbin anversois Rabbi Jacob Kruger, accueilli avec sa famille par Aristides de Sousa Mendes et avec qui il se lie d'amitié, l’aurait convaincu de généraliser ses quelques «irrégularités» de délivrance de visa, entamées durant la «drôle de guerre».
«Ce n’est pas seulement moi qu’il faut aider, mais tous mes frères qui risquent la mort» avait demandé le rabbin au diplomate.
Pendant neuf jours, du 17 et le 23 juin 1940, le consulat a alors ouvert ses portes à des milliers de réfugiés et Aristides de Sousa Mendes et ses équipes ont tamponné plus de 30.000 visas, dont 10.000 pour des réfugiés de confession juive. «Désormais, je donnerai des visas à tout le monde, il n'y a plus de nationalité, de race, de religion» aurait-il dit.
limogé par salazar
Mais le diplomate portugais est allé directement à l’encontre des ordres reçus de ses supérieurs. Il est rapidement démis de ses fonctions sur ordre de Salazar. Poursuivi pour désobéissance, préméditation, récidive et cumul d’infractions, Aristides de Sousa Mendes est mis à la retraite après trente années de service pour l’État portugais.
«Mais qu'a fait cet homme ? Une chose très simple : il a désobéi. Et s'il faut du courage pour suivre des ordres avec lesquels vous n'êtes pas d'accord, il est autrement plus difficile de suivre votre conscience et de ne pas obéir» a expliqué l’historienne Margarida de Magalhães Ramalho à Euronews.
Il décède dans la pauvreté quatorze ans plus tard à l’âge de 69 ans. Il a été déclaré «Juste parmi les Nations» en 1966 et est réhabilité dans la vie diplomatique à titre posthume par la République portugaise en 1988.
Intronisé au Panthéon portugais en 2021, Aristides de Sousa Mendes a reçu de nombreux hommages ces dernières années.
Ce vendredi, pour l'inauguration du musée qui est dédié à sa mémoire, la cérémonie d’inauguration est présidée par le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres.