Le Premier ministre Michel Barnier va prononcer son discours de politique générale ce mardi 1er octobre devant l’Assemblée nationale, près d’un moins après sa nomination à Matignon. Un discours qui ne sera pas suivi d’un vote de confiance du Parlement.
Alors que le Premier ministre doit présenter les grands axes de sa politique ce mardi devant les députés, il ne prendra pas «le risque» de se voir invalider par le Parlement en se soumettant au traditionnel vote de confiance, a confirmé son entourage lundi 30 septembre. Faute de majorité absolue à l’Assemblée nationale et face aux récentes controverses provoquées par certains membres de son gouvernement, Michel Barnier se contentera d’effectuer son discours de politique générale, au risque de s’exposer très rapidement à une motion de censure.
Un vote obligatoire ?
L’article 49 alinéa 1 de la Constitution est clair : il indique que «le Premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale». En d’autres termes : selon la Constitution, après avoir exposé son discours de politique générale et la composition de son gouvernement, le Premier ministre doit se soumettre à un vote de confiance des députés, qui doit valider son avenir à Matignon.
Pourtant, force est de constater que dans les faits, l'organisation d'un vote de confiance relève plutôt de la tradition républicaine et ne semble pas réellement obligatoire. En effet, les deux prédécesseurs de Michel Barnier ont prononcé un discours de politique générale qui n'a pas été suivi de ce fameux vote, tandis que d’autres comme Elisabeth Borne en 2022 et Gabriel Attal début 2024, avaient déjà fait le choix d’éviter cette tradition en raison d’un manque supposé ou confirmé de légitimité après leur nomination par le président de la République, notamment lorsqu’ils ne bénéficiaient pas d’une majorité absolue à l’Assemblée.
Georges Pompidou, déjà, en 1966, affirmait que le gouvernement est «entièrement libre de demander ou non un vote de confiance», peut-on lire sur le site du Palais Bourbon.
Une interprétation de la Constitution validée par de nombreux constitutionnalistes, qui considèrent que le Premier ministre n’est, en définitive, pas obligé d’engager la responsabilité de son gouvernement, d’autant que l’article en question ne mentionne aucune période précise durant laquelle il devrait le faire. Certains constitutionnalistes, minoritaires, retiennent pour leur part une interprétation stricte de l’article 49 alinéa 1, avec pour argument que le non-respect, même historique d’un texte, n’en supprime pas sa validité.
Des controverses au sein du gouvernement
Par ailleurs, de nombreuses controverses semblent déjà bousculer le fragile équilibre du gouvernement. En témoignent les récents propos du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, sur l’immigration et sur l’État de droit qui ont inquiété une partie du camp présidentiel et heurté les députés de gauche. Ou encore la «passe d’armes» entre le locataire de Beauvau et le Garde des sceaux, Didier Migaud, au sujet de la politique pénale. Les déclarations sur de potentielles hausses d’impôts, notamment en faisant participer les grandes fortunes et les multinationales à l’effort collectif, ont également fait réagir une grande partie des macronistes et des politiques de droite.
Dans ces conditions, Michel Barnier ne prendra pas le risque de voir son équipe renversée à peine installée. En choisissant, comme ses prédécesseurs, de «passer en force», il s’expose néanmoins à une motion de censure que la gauche a annoncé vouloir déposer dans les jours qui viennent. À cet égard, l’article 50 de la Constitution impose que «lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu'elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du gouvernement, le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission du gouvernement».
Les cartes seront tout de même dans les mains de l'Hémicycle, où les députés du Rassemblement national devraient avoir un rôle clé pour le maintien en poste du gouvernement. «Nous allons peser sur ce gouvernement. Nous allons être exigeants, nous allons les pousser à avoir du résultat sur les thématiques sécurité, immigration, pouvoir d'achat. Et s'ils ne vont pas dans cette direction, nous prendrons nos responsabilités», a déclaré le vice-président du parti Sébastien Chenu. Il a toutefois confirmé que son parti ne censurerait pas «avant d'avoir vu le budget, c'est-à-dire les grandes orientations traduites de façon très concrète».