Après avoir appris que Nordahl Lelandais était devenu père en prison, se pose la question de savoir comment cela a pu se produire. La sexualité derrière les barreaux demeure un sujet de l'ombre.
La nouvelle fait largement polémique. Le meurtrier Nordahl Lelandais, accusé d’avoir commis plusieurs meurtres et agressions sexuelles sur mineure de 15 ans, est devenu papa en prison.
L'enfant de Nordahl Lelandais, âgé de deux mois, a vu le jour dans une unité de vie familiale, une nouvelle qui peine à être acceptée par les parents de la petite Maëlys. Son père, s'exprimant sur RTL, a déclaré ce mardi : «Un assassin, un tueur d'enfants, un pédophile a donné la vie dans une prison. C'est au-delà du réel». De fait, bien que la sexualité soit un droit fondamental de l'homme, elle reste difficilement conciliable avec le milieu carcéral.
Que dit la loi au sujet de la sexualité en prison ?
Selon l’avocate Céline Zocchetto, «un seul texte aborde la question de la sexualité en prison, qui est pourtant un véritable sujet au niveau du respect des droits de l’homme».
Sur la base du Code de procédure pénale (articles D. 249-2 et D. 408) qui punit le fait «d’imposer à la vue d’autrui des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur», «les relations sexuelles au parloir sont interdites pendant les visites».
Bien que la sexualité soit généralement interdite dans les établissements pénitentiaires, elle est autorisée au sein des unités de vie familiale (UVF). Cependant, ces espaces, qui ont été généralisés depuis 2009, sont insuffisants en France. Actuellement, seules 170 UVF sont opérationnelles dans 52 établissements pénitentiaires, alors que la France compte un total de 186 prisons.
Une unité de vie familiale ressemble à un appartement meublé situé à l'intérieur de l'enceinte pénitentiaire. Les détenus ont la possibilité d'y séjourner pendant une période allant de 6 à 72 heures et peuvent y accueillir leur conjoint ou d'autres proches.
En dehors des unités de vie familiale, qui ne sont pas présentes partout, les détenus arrivent à avoir des relations sexuelles grâce à des arrangements entre codétenus. Et parfois, les surveillants décident de fermer les yeux. Chaque année des centaines de «bébés parloir» naissent.
la misère sexuelle en prison
Une fois incarcéré, le détenu découvre une misère sexuelle de manière progressive, découvrant peu à peu les réalités du milieu carcéral. «Il réalise que la masturbation est la forme de sexualité la plus évidente, voire la seule qui peut être envisagée», a expliqué Aurore David, dans un mémoire Amour, sexe et prison, publié par l’ENAP (École Nationale d’Administration Pénitentiaire).
Le manque d'affection et le vide relationnel entraînent d'importantes frustrations hormonales. Les souvenirs passés s’effacent progressivement, laissant place à l'imagination et aux fantasmes, à l'origine de situations de plus en plus perverses.
Des comportements sexuels déviants
En mars 2023, sur un total de 87.197 personnes écrouées en France, 84.707 étaient des hommes. Ainsi, les questions liées à la sexualité se posent principalement en ce qui concerne les hommes.
«Prouver sa virilité est essentiel et, pour se faire, une dimension narcissique va naître progressivement», explique Aurore David. Ainsi, les détenus déploient tous les moyens pour affirmer leur puissance et marquer leur existence en prison. Certains ont opté pour des comportements sexuels déviants, le moyen d’affirmer leur domination et de gagner le respect.
L’exposition exagérée de femmes dénudées sur les murs des cellules vise à souligner et exprimer leur hétérosexualité. Et, en plus de manifester les valeurs hétérosexuelles, la plupart des détenus investissent dans le sport, faisant de la musculation une obsession et une manière d'exprimer leur virilité.
En quête perpétuelle d'affection et de validation de leur virilité, les détenus cherchent à séduire toutes les femmes du milieu, allant même jusqu'à rechercher des partenaires à l'extérieur.
la sexualité en prison dans les autres pays
En ce qui concerne la sexualité en prison aux Pays-Bas, il est possible pour les détenus d'engager des services sexuels tarifés. En effet, des services de prostitution sont disponibles en prison, notamment pour les détenus qui ne sont pas en couple.
L’Espagne et le Danemark l’expérimentent depuis plusieurs années. Selon une étude, la mixité est globalement bénéfique car elle contribue à une meilleure santé psychologique des détenus et donc un meilleur comportement en détention ainsi qu'une baisse de la récidive à la libération. «Surtout si les prisonniers sont autorisés à initier et maintenir une relation de couple et des rapports sexuels», concluent les chercheurs.
A l'inverse, pour punir les prisonniers d’être détenus, l’Etat du Mississippi a décidé depuis 2014 d'être plus stricte encore et d’interdire les parloirs «conjugaux».