Un adolescent de 17 ans a été tué par balle après un refus d’obtempérer lors d’un contrôle de police. Si les policiers indiquent que le jeune homme a «foncé sur un agent», une vidéo filmée par un témoin dément cette version des faits, provoquant l’indignation de nombreuses personnalités, qui dénoncent une «exécution sommaire».
La réaction était-elle proportionnée ? C’est la question à laquelle devront répondre les enquêteurs de l’IGPN alors que deux enquêtes ont été ouvertes après qu’un adolescent de 17 ans a été tué par balle lors d’un contrôle de police. La première pour «refus d’obtempérer et tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique» et la seconde pour «homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique».
Le drame a eu lieu ce mardi matin, vers 8h30, à Nanterre (Hauts-de-Seine). Des policiers ont demandé au conducteur d'une Mercedes jaune qui avait commis plusieurs infractions routières de s’arrêter pour un contrôle. Le jeune homme a d’abord arrêté son véhicule, a ensuite été mis en joue par un policier qui se tenait sur le côté du véhicule, avant de redémarrer. A ce moment précis, l’agent a tiré une fois à bout portant sur le conducteur, et la voiture a fini sa course quelques mètres plus loin, encastrée dans un poteau.
La gauche s'indigne
La victime est décédée peu de temps après avoir été atteinte, malgré l’intervention du Samu qui lui a prodigué un massage cardiaque sur place. «Son décès a été constaté à 9h15 suite à au moins une blessure par arme à feu», a précisé le parquet. Par la suite, les policiers ont affirmé que la victime avait «foncé sur un agent», mais cette version a été démentie par une vidéo filmée par un témoin, provoquant l’ire d’une bonne partie de la gauche.
«Je suis bouleversé par le drame qui vient d’arriver, avec la mort d’un jeune. J’ai forcément une pensée pour ses parents. Je souhaite que les éléments de l’enquête soient rendus publics rapidement. Nous avons des caméras de surveillance sur le secteur, nous les mettons à la disposition de la justice», a déclaré à l’AFP le maire (DVG) de Nanterre, Patrick Jarry.
Images horribles d'un jeune de 17 ans abattu à bout portant à #Nanterre par un policier ce matin.
Un refus d'obtempérer ne devrait jamais mériter la peine de mort ! pic.twitter.com/ORI5c2tBz9— Manon Aubry (@ManonAubryFr) June 27, 2023
«Vidéo révoltante d’une nouvelle bavure : un policier tire et tue, alors qu’il n’avait aucune nécessité de le faire», a tweeté l’élu LFI, Aymeric Caron. «Images horribles d’un jeune de 17 ans abattu à bout portant à Nanterre par un policier ce matin. Un refus d’obtempérer ne devrait jamais mériter la peine de mort», a réagi Manon Aubry. «Un refus d’obtempérer ne peut pas être une condamnation à mort. Pour personne. Jamais», a pour sa part tweeté l’élu écologiste Sandrine Rousseau.
«La police ne peut tirer qu’en cas d’absolue nécessité. Aucune vie ne semble pourtant en danger sur cette vidéo», pointe l’élu LFI du Nord David Guiraud. «Il faut revenir en urgence sur la loi de 2017 qui régit l’usage des armes à feu par la police. Le droit à tirer doit être mieux encadré ; il n’est pas un permis de tuer», estime Sophie Taillé-Polian, députée Génération⋅s du Val-de-Marne, qui rappelle avoir déposé une proposition de loi en ce sens fin 2022.
changement de la règlementation sur l'usage des armes à feu en 2017
Les députés écologistes avaient en effet déposé en décembre dernier une proposition de loi pour «mieux encadrer l'ouverture du feu par les forces de l'ordre en cas de refus d'obtempérer». Les députés Ugo Bernalicis et Eric Coquerel avaient ensuite présenté dans la foulée une résolution pour créer une commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’intervention des policiers et gendarmes lors des contrôles routiers, sans succès.
Et pour cause, en février 2017, la réglementation sur l’usage des armes à feu des policiers a changé et s’est alignée sur celle des gendarmes. Auparavant, les fonctionnaires étaient soumis au code pénal et devaient prouver la légitime défense comme n’importe quel citoyen.
Désormais, ils peuvent faire feu sur un véhicule «dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui», selon l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure. Le texte précise que l’usage des armes est autorisé seulement en cas «d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée».
13 décès enregistrés après des refus d'obtempérer en 2022
En 2022, 13 décès ont été enregistrés après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers, un record. Cinq policiers ont été mis en examen dans ces dossiers, les autres ayant été libérés sans poursuites à ce stade. Autorités et syndicats de police attribuent le record de décès en 2022 à des comportements au volant plus dangereux, mais des chercheurs incriminent la loi de 2017 modifiant l’usage de leur arme par les policiers. En 2021, environ 27.700 refus d’obtempérer avaient été enregistrés, soit une hausse de près de 50% en dix ans, selon des chiffres officiels.
Pour rappel, le délit de refus d’obtempérer est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.