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L'édito de Paul Sugy : «la politique étrangère s'invite dans la présidentielle»

Dans son édito de ce jeudi 3 février, Paul Sugy, journaliste au Figaro, revient sur politique étrangère qui pourrait avoir un impact sur le discours des candidats à l'élection présidentielle.

N’en déplaise aux grincheux qui s’escriment à nous faire croire que nous assistons à une campagne médiocre et bas de plafond, chaque nouvelle semaine vient un peu mieux démentir cette vision en trompe-l’œil. Et cette semaine en effet Romain, la probabilité d’une attaque russe en Ukraine ou le congédiement de notre ambassadeur au Mali invitent les candidats à s’exprimer sur leur vision de la place de la France dans le monde, sur sa capacité à peser sur la scène internationale ainsi que sur les alliances stratégiques qu’elle doit privilégier. On a jusqu’ici beaucoup regretté que le sujet soit laissé au second plan.

En réalité, ce n’est pas que les différents candidats n’avaient rien à dire sur la politique étrangère française, mais plutôt qu’un relatif consensus semblait se dégager entre eux sur les grandes questions que cette politique soulève ; consensus qui est en partie le fruit d’une politique d’équilibre menée par Emmanuel Macron, sorte de « en même temps » diplomatique, ou pour le dire dans la langue de la Ve République, de gaullo-mitterrandisme. En cinq ans, le président de la République a certes augmenté le budget des armées mais il n’a pas lancé le pays dans de nouvelles interventions militaires hasardeuses, et il se fait fort de nouer des contacts diplomatiques tous azimuts, dans la perspective de faire de la France une puissance d’équilibre.

C’est peut-être sur l’Europe que la vision d’Emmanuel Macron aura laissé le plus de traces, notamment avec le plan de relance qui a accru de manière historique les relations d’interdépendance entre les États, mais là encore le clivage sur ces questions est moins vif aujourd’hui qu’hier : faut-il le rappeler, plus aucun candidat ne propose de sortie pure et simple de l’Union européenne, et depuis le début de la présidence française du Conseil européen, on a davantage débattu des symboles (l’affaire du drapeau) que du fonds. Tandis que cette fois, deux questions clivantes sont posées aux candidats : la France doit-elle s’aligner sur l’OTAN ou en sortir ? Le Mali est-il en train de devenir un nouvel Afghanistan ? Doit-on renoncer définitivement à toute présence militaire en Afrique de l’Ouest ?

Des sujets importants pour les électeurs ? 

On le dit, c’est vrai, et pourtant on a tort de le penser. D’abord pour une raison très simple : la présidence de la République est l’incarnation symbolique, aux yeux des Français, de l’État régalien. Et sans être tous des constitutionnalistes chevronnés, tous savent que le président décide de la politique diplomatique et militaire française, ce que communément les électeurs rappellent lorsqu’ils se demandent « à qui vais-je confier les codes nucléaires ? ».

C’est-à-dire que les électeurs attendent d’un futur chef de l’État qu’il ait une vision pour la France et qu’il incarne une forme de sérieux à l’égard de ces sujets : souvenez-vous, dans l’entre-deux tours de 2007, l’impression d’amateurisme soulevée par Ségolène Royal qui n’a pas su dire lors de son débat avec Nicolas Sarkozy, combien la France comptait de sous-marins nucléaires… !

Pour résumer, les questions de défense et de géopolitique ne font pas gagner une élection, mais elles suffisent à la faire perdre. Ainsi en décembre, un sondage montrait que les trois quarts des Français estiment que la politique étrangère d’un candidat est « importante » pour eux. Et les trois quarts aussi, d’ailleurs, jugent que la France doit remettre en cause ses alliances si nécessaire.

Qui peut y gagner, qui peut y perdre ?

Dans ce même sondage, les trois quarts des Français jugent également que la France doit remettre en cause ses alliances si nécessaire. En résumé, il y a une demande très forte d’indépendance et de souveraineté de la France : dans ce contexte, ni l’humiliation de la puissance française ni l’impression de vassalisation qui ressortirait d’un alignement trop fort sur les intérêts américains ne seraient acceptés.

Ce d’autant plus que six mois plus tôt, la crise des sous-marins avait ridiculisé la France sur la scène internationale. Dans ce contexte, Emmanuel Macron joue gros sur les deux tableaux, le Mali comme l’Ukraine. En embuscade, les candidats de droite auront beau jeu de lui reprocher sur ces dossiers d’avoir accéléré le « déclassement français », pour reprendre la thèse de Georges Malbrunot et Christian Chesnot dans leur dernier ouvrage, sur la perte d’influence diplomatique de la France au Maghreb et au Moyen-Orient.

Ceux qui ont enfin le plus à perdre sont les mauvais élèves, ceux qui n’ont pas bien appris leur leçon ! Anne Hidalgo, prise en défaut sur le dossier ukrainien, qui n’a pu que bredouiller quelques mots convenus sur l’Europe de la défense, ou hier Marine Le Pen et Valérie Pécresse qui demandaient à Macron de renvoyer l’ambassadeur malien en France alors que le poste est vacant depuis deux ans… feraient bien de méditer la leçon.

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