Alors que le projet de loi «pour la confiance dans l’institution judiciaire», porté par le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, est examiné depuis ce mardi au Sénat, c’est en effet toute une confiance qu’il faudra semble-t-il rétablir entre les Français et la Justice. Car, selon un sondage CSA dévoilé cette semaine, 68% de la population l’estime trop laxiste.
Autre enseignement de cette enquête, réalisée pour le Sénat, du 30 août au 2 septembre, sur un échantillon de 1.016 personnes représentatives de la population française, lorsque l’on demande aux Français ce qu’ils pensent quand on parle des institutions judiciaires, ils sont 67% à évoquer des éléments négatifs.
Ainsi, en plus de la trouver trop laxiste, 93% des sondés jugent la justice «trop lente», et 69% qu’elle est «opaque». Seule une minorité de Français (34%), la considèrent efficace et estiment qu’elle traite tous les citoyens de manière égale. A l'inverse, 49% des sondés considèrent que les peines appliquées pour les meurtres et assassinats ne sont pas adaptées, et cela monte à 70% pour les faits de petite délinquance. En conséquence, 53% des personnes interrogées affirment ne pas avoir confiance en la Justice.
Dans le détail, c'est surtout chez les retraités des catégories socio-professionnelles inférieures et les inactifs que la défiance est la plus forte (respectivement 63% et 61% affirment ne pas avoir confiance en l'institution). A contrario, ceux qui croient le plus dans les institutions judiciaires sont les jeunes âgés de 18 à 24 ans (55%) et les jeunes de 25 à 34 ans (56%).
le fonctionnement de la justice reste mal connu
Présenté en Conseil des ministres en avril dernier, puis adopté par l’Assemblée nationale en première lecture en mai, le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire «entend rétablir la confiance entre les citoyens et l'institution judiciaire, en premier lieu en leur permettant de mieux connaître la justice et son fonctionnement», explique le gouvernement. En effet, selon l’enquête CSA, 51% de la population affirme mal connaître le fonctionnement du système judiciaire français. C’est notamment pourquoi le texte prévoit, entre autres, l’enregistrement des audiences civiles et pénales à des fins «pédagogiques».
Lundi après-midi s’est tenu le colloque «Agora de la Justice» au Sénat, en présence du président de la chambre haute Gérard Larcher, sur ces thèmes. «Les difficultés du service public de la justice nourrissent un sentiment de défiance chez un nombre significatif de nos concitoyens», a déploré Gérard Larcher.
Il persiste cependant, selon le président du Sénat, un décalage entre les propositions faites par le gouvernement et les attentes des Français : «Pour les Français, pour ceux que je rencontre, la Justice ce sont d’abord des litiges relatifs aux loyers, aux crédits à la consommation, aux saisies sur salaire, à la propriété, à l’état civil, au droit du travail, et bien sûr, en tout premier, au divorce, à la garde des enfants, à la pension alimentaire». En clair, pour les citoyens, la justice est avant tout d’ordre civil, alors que le projet de loi porte essentiellement sur la justice pénale. Il entend notamment renforcer le secret professionnel des avocats, la suppression des réductions de peines automatiques, ou encore la généralisation des cours criminelles départementales.
Le Sénat a ainsi émis 16 propositions lors de cette agora de la Justice, pour rétablir la confiance entre les Français et l’institution, qui portent à la fois sur l’organisation, sur la justice civile et sur la justice pénale. Cette agora ainsi que l’examen du projet de loi se tiennent à quelques semaines du début des États généraux de la Justice. Ils avaient été annoncés par Emmanuel Macron au printemps, après la manifestation en soutien aux policiers, à laquelle le ministre de l’intérieur et des élus LR et RN avaient participé, et au cours de laquelle ils avaient critiqué la lenteur et le laxisme de la Justice.