Malgré les mesures de restriction et l’accélération de la campagne de vaccination, la situation en Ile-de-France est de plus en plus préoccupante. Nombre de contaminations, tension hospitalière, circulation des variants…Tous les indicateurs sont au rouge.
Au 9 mars, le taux d'incidence de la région (nombre de nouveaux cas pour 100.000 habitants) est de 347, soit bien au-dessus du seuil d'alerte fixé à 50. Quant au niveau d'occupation des lits de réanimation, il s'élève à 86%.
Sans compter le variant britannique, bien plus contagieux que le virus classique, qui circule activement dans les huit départements d’Ile-de-France. D’après le dernier bilan de Santé Publique France, il représente 87,7 % des cas positifs dans la capitale et plus de 60 % de la région.
La situation épidémique est telle que l'Agence régionale de santé (ARS) a même ordonné, ce lundi 8 mars, aux hôpitaux et cliniques de déprogrammer 40% de leurs activités médicales et chirurgicales les moins urgentes. Dans ce contexte, une question se pose : faut-il confiner la région ?
«il faut confiner l’Ile-de-France»
D’après Daniel Camus, épidémiologiste à l’Institut Pasteur de Lille, «si on regarde les indicateurs, il n’y a aucun doute, il faut confiner l’Ile-de-France. La situation épidémiologiste le justifie pleinement.» Toutefois, «il faut également prendre en compte l’acceptabilité sociale», précise-t-il.
Selon le spécialiste, il vaut mieux mettre en place des «demi-mesures» qui seront correctement appliquées par les habitants, que des «mesures trop contraignantes mais qui ne seront pas respectées», et qui, par conséquent «seront moins efficaces», comme le confinement total de la région, ou même partiel.
Or, les Franciliens «ne sont absolument pas prêts à être confinés», souligne-t-il. «On voit bien que le couvre-feu est déjà très difficilement applicable et appliqué dans les départements de la région». Pour concilier «les données épidémiologistes et le principe de réalisme», affirme Daniel Camus, il faut «maintenir le couvre-feu à 18h, continuer de respecter les gestes barrières et compter sur la vaccination».
Quant au variant britannique, même s’il circule activement dans cette zone, «ce n’est pas un facteur complètement déterminant». «Il y aura toujours des variants. C’est un phénomène biologique auquel on ne peut pas échapper». Et pour l'heure, rappelle-t-il, les vaccins sont «suffisamment efficaces» contre cette nouvelle souche du coronavirus.
«le confinement est une arme de dernier recours»
De son côté, l'épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de l'université de Genève (Suisse), confirme que l’«on est pas loin de la saturation du système hospitalier». Mais les CHU qui manquent de lits de réanimation peuvent procéder à des évacuations dans des établissements hospitaliers moins engorgés, au sein et hors de l’Ile-de-France.
«Il y a des possibilités d’extensions des capacités de réanimation. Des patients peuvent être transférés», note-t-il. De plus, «le confinement est une arme de dernier recours dans l'Hexagone». Les pays européens optent pour des mesures «réactives», rappelle-t-il. Le confinement, qu'il soit général, ou territorialisé, est instauré dès lors qu'il y a «un risque immédiat de submersion du système de santé».
Et à ce jour, «les autorités sanitaires ont encore le choix». Sans compter que l’Ile-de-France «est une région très interconnectée, elle est sur une plaque tournante. Il est plus difficile de confiner cette zone que les Alpes-Maritimes, qui se trouvent en bout de territoire».
«l’immunité collective est en train de se mettre en place»
Enfin, pour Jean-François Toussaint, professeur de physiologie à Université de Paris, la situtaion sanitaire est certes «tendue», mais elle n’est pas exceptionnelle.
Le médecin, également directeur de l'Institut de Recherche bioMédicale et d'Epidémiologie du Sport (IRMES) estime que «ce n’est certainement pas en mettant en place un confinement totalement destructeur pour la société que l’on fera face à la lente augmentation que l’on observe actuellement dans la région».
«Il y a en ce moment un peu plus de 5.580 personnes hospitalisées pour Covid-19 en Ile-de-France, contre plus de 13.200 en mars-avril 2020, et un peu plus de 980 personnes sont admises en réanimation, contre plus de 2.730 il y un an», détaille-t-il. Ces données montrent ainsi que «la région est capable d’accueillir trois fois plus de personnes».
De plus, si on analyse tous les indicateurs, depuis la première vague, «la pente d’augmentation est de plus en plus faible, l’expansion virale est de plus en plus limitée et ralentie», ajoute le professeur, et ce, en raison «de la précédente vague et de l’immunité collective, qui est en train de se mettre en place».