Forte de son score du 15 mars et de sondages favorables, Anne Hidalgo fait aujourd'hui figure de favorite à sa succession. Mais c'est sans compter sur l'abstention, qui fait planer une grande incertitude sur le deuxième tour des municipales à Paris.
Avec des variations suivant les arrondissements, l'abstention au premier tour a atteint 57 % dans l'ensemble de Paris (contre 44 % en 2014), un niveau record. Ce sont ainsi près de 770.000 bulletins qui pourraient faire basculer le vote le 28 juin prochain.
Reste à savoir quel sera le niveau de participation, suivant l'évolution de la situation sanitaire, une campagne d'entre-deux-tours à la longueur inédite mais aussi la proximité des vacances d'été. Un sondage de l'Ifop publié ce lundi 15 juin indique que la mobilisation pourrait encore être inférieur au premier tour, avec 62 % d'abstentionnistes.
Des abstentionnistes divers
Les électeurs qui ne se sont pas rendus aux urnes le 15 mars dernier semblent avoir des profils variés, entre personnes âgées vulnérables et familles qui avaient préféré quitter Paris. D'après le sondage IFOP paru dimanche 7 juin, les abstentionnistes seraient 42 % à envisager de voter pour Rachida Dati au second tour, contre 37 % pour Anne Hidalgo et 19 % pour Agnès Buzyn.
On voit donc qu'Anne Hidalgo engrangerait une majorité des voix écologistes et LFI, ainsi que plus du tiers des Villanistes. Agnès Buzyn perd 20 % de ses électeurs entre les deux tours. Rachida Dati continue à faire le plein chez les LR mais peu de réserves de voix ailleurs https://t.co/xdJcNHAOKO pic.twitter.com/6a7tiGHdHt
— Lucas Biosca (@LucasBiosca) June 8, 2020
De quoi remettre en question l'avance de la maire sortante au premier tour (29 % contre 22 % pour Rachida Dati) ainsi que le premier sondage d'entre-deux-tours qui la donne à 44 % contre 33 % pour sa rivale LR ?
La chasse aux électeurs
«C'est possible que l'électorat de droite se mobilise davantage, avec peut-être du vote utile de l'électorat d'Agnès Buzyn pour battre la maire sortante. Cela pourrait permettre de resserrer l'écart. Rachida Dati doit prendre des risques et attaquer, alors qu'Anne Hidalgo doit empêcher son électorat de se démobiliser», analyse pour CNEWS Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'institut Ifop.
Les trois formations politiques déploient donc les grands moyens pour motiver leurs électeurs potentiels. Les socialistes et les républicains ont mis en place leurs sites internet respectifs pour récupérer les procurations des électeurs volontaires. Les macronistes, eux, comptent envoyer 250.000 SMS et passer 50.000 appels téléphoniques.
Des programmes renforcés
«Est-ce que les gens en faveur de la bascule vont beaucoup se mobiliser ? Est-ce que ceux qui ne sont pas forcément politisés vont voter pour une maire qu'ils souhaitent conserver ? Rien n'est acquis, tout dépendra de qui mobilise le plus», veut-on croire dans l'entourage d'Agnès Buzyn. La candidate LREM multiplie donc les annonces sur des thèmes porteurs ces derniers jours, avec un «plan Marshall» renforcé pour les commerces, des investissements pour les écoles ou encore dans la transition écologique.
Idem du côté de Rachida Dati, qui appuie notamment sur ses thèmes de prédilection : propreté et sécurité. «Un double mouvement pourrait avoir lieu en sa faveur : un retour des électeurs macronistes et une plus forte participation, ainsi qu'une baisse de l'électorat de gauche. C'est une alchimie compliquée, mais qui n'est pas totalement à exclure dans cette élection où on a tout vu», imagine Jean-Pierre Lecoq, le maire LR du 6e arrondissement.
«Il faut se méfier quand les sondages sont hauts», admet Jean-François Martins, l'un des portes-paroles de campagne d'Anne Hidalgo. D'où l'importance de passer à la vitesse supérieure pour la candidate socialiste. «La vraie campagne officielle commence demain [lundi 15 juin], on va amplifier nos opérations de mobilisation. Et notre programme, déjà enrichi par l'alliance avec les verts, va être musclé sur les questions sanitaires et de relance économique».
Car un sursaut de participation pourrait faire bouger les lignes dans les deux endroits les plus disputés de la capitale : le 5e et le 9. Dans un sondage récent que révèle CNEWS, la candidate socialiste dans le 5e arrondissement, Marie-Christine Lemardeley recueillerait 51 % des voix, contre 49 % à sa rivale Florence Berthout. Soit un écart de quelques centaines de voix seulement. Et dans le 9e, la triangulaire LREM-PS-LR se jouera également dans un mouchoir de poche.
En revanche, seule une affluence exceptionnelle dans les bureaux de vote le 28 juin pourrait inverser la tendance à l'échelle de la capitale. «Si l'électorat de droite se remobilise dans les arrondissements où elle est bien implantée, 8e, 16 ou 17e, cela rendrait le score de Rachida Dati plus probant», anticipe Frédéric Dabi. Mais pour le directeur général adjoint de l'Ifop, «il faudrait le mouvement inverse dans le reste de Paris pour qu'elle puisse gagner. Et quand on voit l'avance de la gauche dans les arrondissements qu'elle domine, un renversement est difficile à imaginer».
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