Si aucun contre-ordre sanitaire ne vient interrompre le processus d'ici là, les Français seront rappelés aux urnes dimanche 28 juin, pour le second tour des élections municipales. Mais ce scrutin, sur lequel plane l'ombre du coronavirus, pourrait être perturbé par l'abstention.
Cela avait déjà été le cas du premier tour, qui s'était tenu le dimanche 15 mars, soit le lendemain du passage au stade 3 de l'épidémie en France. Inquiets, les électeurs avaient fui les bureaux de vote, provoquant un taux d'abstention record de 55 % (+ 20 points par rapport à 2014), en particulier dans les grandes villes.
Un phénomène d'autant plus marquant que les municipales sont «l'élection dans laquelle les Français votent traditionnellement le plus, derrière la présidentielle», souligne Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop.
Deux scénarios suivant la gravité de l'épidémie
Concernant le second tour, s'il recommande la «prudence» face à ce contexte «inédit» et au long mois qui nous sépare encore de l'échéance, Frédéric Dabi entrevoit deux hypothèses.
La première, «optimiste», prévoit la tenue du second tour «dans de bonnes conditions sanitaires, sans rebond de l'épidémie», ce qui semble être le cas pour l'instant. De plus, la campagne d'entre-deux-tours anormalement longue (elle ne dure qu'une semaine en temps normal) pourrait raviver «l'intérêt des Français pour cette élection», selon Frédéric Dabi.
Cette configuration permettrait d'imaginer «une bonne surprise» le 28 mai, avec un «surplus de mobilisation de 5 à 10 points». La participation, aux alentours de 55 %, serait davantage en phase avec les moyennes de «60-70%» enregistrées habituellement.
Dans l'autre scénario, plus sombre, le coronavirus circule encore en France fin juin. Pas assez pour empêcher la tenue de l'élection, mais suffisament pour décourager les électeurs. «Les craintes autour du Covid-19 demeurent très fortes dans nos enquêtes d'opinion actuelles», confirme Frédéric Dabi.
Mais l'aspect sanitaire n'est pas la seule menace. La récession qui s'annonce pourrait aussi perturber l'élection. «Dans un mois, il est possible qu'à cause de la crise économique, les Français n'aient pas la tête au vote», prévoit le directeur général adjoint de l'Ifop. Ils pourraient alors bouder les urnes comme le 15 mars, voire pire.
Pour autant, rien ne dit qu'une nouvelle abstention massive modifierait l'issue du scrutin. «Au premier tour, cela n'a pas changé les grandes tendances identifiées : prime forte aux sortants, LREM en difficulté, percé des écologistes là où le PS n'est pas sortant, et LR qui se maintient», analyse Frédéric Dabi.
L'abstention, menace pour la légitimité des maires ?
C'est plutôt à long terme que les conséquences risquent de se faire sentir. «Les maires sont les derniers élus respectés car ils gèrent la proximité. Une participation extrêmement basse remettrait en question leur légitimité pour leurs six ans de mandat», redoute Eric Azière, patron des centristes à Paris.
Une appréhension qui n'a pas lieu d'être pour Frédéric Dabi : «les maires élus ne seront pas tenus responsables d'un taux participation fort ou faible. La force restera au suffrage universel, aux Français qui sont allés voter».
Pour éviter de se retrouver dans une telle situation, plusieurs élus, comme François Bayrou et Rachida Dati, appellent à élargir les modalités de vote pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se déplacer. L'augmentation du nombre de procurations par personne et le rétablissement du vote par correspondance (abrogé en 1975) sont évoqués.