Meilleur contrôle des industriels, interlocuteur unique pour les crises sanitaires et révision des procédures de retrait/rappel: ce sont les principales pistes tracées mercredi par la commission d'enquête parlementaire sur la contamination de laits infantiles Lactalis.
Fin 2017, 36 nourrissons ont été atteints de salmonellose après avoir consommé un produit pour enfant fabriqué par Lactalis.
Le processus de retrait a été chaotique et de nombreux dysfonctionnements ayant mené à la contamination ont été mis au jour, ce qui a donné lieu à l'ouverture d'une enquête judiciaire et à la création de la commission d'enquête parlementaire, qui a rendu publiques ses préconisations dans l'après-midi.
Le rapporteur de la commission, Grégory Besson-Moreau, député LREM, comme le président Christian Hutin, apparenté socialiste, ont souligné qu'ils souhaitaient voir ce rapport aboutir rapidement à une proposition de loi.
M. Besson-Moreau a taclé le géant laitier indiquant que les explications du groupe sur l'origine de la contamination «ne coll(aient) pas», tout en soulignant avoir découvert au fil des auditions que l'ensemble de la chaîne avait «déraillé» durant cette crise.
Les préconisations de la commission d'enquête parlementaire visent donc «chacun des maillons», depuis les industriels jusqu'aux distributeurs en passant par les services de l'Etat, a souligné le député de l'Aube.
Autorité unique
Pour éviter les problèmes sanitaires dans l'industrie agroalimentaire, «l'auto-contrôle n'est pas suffisant», avait déclaré plus tôt M. Hutin, à l'antenne d'Europe 1, assurant qu'il fallait «contrôler les contrôleurs, et contrôler les contrôlés» et demandant de vérifier l'indépendance des laboratoires.
La commission préconise de «toucher au portefeuille» les industriels qui «ne respecteront pas une forme de déontologie et de rigueur sur les autocontrôles», selon le député du Nord.
D'après M. Hutin, la commission demande aussi à ce que l'Etat mette fin à la «guerre des polices» et crée une autorité unique dans le domaine de la sécurité alimentaire, transférée au ministère de l'Agriculture, dénonçant une «armée mexicaine» avec «trois ministères (impliqués) : la Santé, Bercy (ministère de l'Economie et des finances, ndlr) et Agriculture, c'est pas possible».
Pour illustrer les limites du système, M. Besson-Moreau a expliqué qu'à l'heure actuelle, «la direction générale de la Santé et la répression des fraudes (DGCCRF) travaillent chacune de leur côté à la mise en place d'une application (informatique, ndlr) différente, destinée à prévenir les citoyens lors de crises sanitaires, alors qu'elles auraient pu, ou dû, joindre leurs efforts».
Création de 800 emplois
Le rapport, qui sera rendu public la semaine prochaine, entend aussi trouver des fonds pour garantir une meilleure efficacité des services de l'Etat grâce à une nouvelle redevance sur les industriels, votée au niveau européen, dont le produit de 270 millions d'euros sera «automatiquement transféré à la DGAL», selon M. Moreau-Besson. Cette somme pourrait, selon le rapporteur, permettre la création de «800 emplois équivalents temps plein».
Concernant la procédure de retrait/rappel, qui s'était avérée défaillante durant la crise Lactalis, M. Hutin a évoqué plusieurs pistes : des «stress-test» comme pour les banques, le remplacement des codes barres par des QR codes pour faciliter les blocages à la caisse, et la formation du personnel. Il demande également qu'un employé par magasin «soit responsable de la santé publique».
«Dans les cas de risque sanitaire grave et avéré, incluant l'hypothèse d'un acte terroriste d'empoisonnement, tous les moyens doivent pouvoir être mobilisés pour contacter les clients, y compris les données bancaires», a ajouté le rapporteur.
L'organisation de défense des consommateurs UFC Que Choisir a exprimé des doutes sur les propositions des députés. «Si plusieurs des mesures que nous réclamions sont reprises (...) certaines propositions laissent largement dubitatifs», a réagi dans un communiqué UFC Que Choisir, qui avait porté plainte en décembre dernier contre Lactalis pour tromperie.
L'ONG a notamment pointé du doigt la création d'une autorité unique pour la sécurité alimentaire dépendant du ministère de l'Agriculture. Un tel rattachement «ne peut qu'inquiéter: faut-il se rappeler de la gestion calamiteuse du scandale de la vache folle et plus récemment celle du Fipronil ?», a jugé l'association.