L'Institut Pasteur en est désormais convaincu : la bactérie présente dans l'usine de lait infantile Lactalis à l'origine de deux épidémies de salmonellose chez des nourrissons en 2005 et 2017 a subsisté entre ces deux dates, causant 25 autres cas «sporadiques» en une décennie.
Ces analyses accréditent l'idée selon laquelle cette usine de Craon (Mayenne), rachetée par Lactalis à son concurrent Celia en 2006, est restée contaminée pendant toutes ces années.
L'épidémie de 2005 avait touché 146 nourrissons, tandis que celle de 2017 en a affecté 37 en France, ainsi qu'un autre en Espagne, et un autre probable en Grèce. Le bilan dépasse donc 200 enfants malades à cause d'une souche unique.
«Il y a eu 25 cas sporadiques de salmonellose chez des nourrissons sur dix ans [2006-2016] pour lesquels nous avons pu confirmer qu'il s'agissait de la même souche» de salmonelle qu'en 2005 et 2017, a expliqué à l'AFP le directeur du Centre national de référence salmonelles à Pasteur, François-Xavier Weill.
«On a d'abord prouvé que la même bactérie de type salmonella agona était en cause dans les deux épidémies de salmonellose, de 2005 et 2017. Et on s'est demandé où avait pu résider la souche pendant les 12 années entre-temps», a déclaré le bactériologiste.
«La seule hypothèse possible scientifiquement, c'est qu'elle est restée dans l'usine en question», a-t-il ajouté.
Le PDG de Lactalis était allé moins loin
Le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, était allé moins loin, dans un entretien avec Les Échos jeudi. Lactalis «ne peut pas exclure que des bébés aient consommé du lait contaminé» entre 2005 et 2017, puisque la salmonelle Agona «responsable des problèmes» est «la même que celle de 2005», déclarait-il dans cette interview.
«Nous avons libéré des salmonelles Agona en réalisant des travaux sur les sols et les cloisons de la tour de séchage numéro 1», indiquait M. Besnier dans sa deuxième interview à la presse écrite depuis le début de l'affaire du lait infantile contaminé aux salmonelles début décembre.
«La bactérie responsable des problèmes est la même que celle de 2005, époque à laquelle nous n'étions pas propriétaire du site. Elle était confinée dans les infrastructures de la tour numéro 1» précisait le PDG aux Echos.
Pour cette raison, et parce que des salmonelles ont bien été trouvées «dans l'environnement» de l'usine entre 2005 et 2017, «on ne peut donc pas exclure que des bébés aient consommé du lait contaminé sur cette période», admettait-il.
«Nous faisons réaliser des analyses systématiques par un laboratoire extérieur de référence. Il ne nous a communiqué aucune alerte sur les produits. En revanche, nous avons eu deux alertes à la salmonelle en août, puis en novembre, dans l'environnement. Quand cela arrive, on nettoie jusqu'à ce que tout soit conforme. Et on reprend l'activité», expliquait le responsable. Besnier a souligné que durant la période 2005-2017 les analyses sur les produits finis ont toujours été «conformes aux exigences sanitaires» et s'en est pris au «laboratoire extérieur de référence» qui en était chargé.
«Nous nous posons beaucoup de questions sur la sensibilité des analyses faites par ce laboratoire. Nous avons beaucoup de mal à comprendre comment 16.000 analyses réalisées en 2017 ont pu ne rien révéler. Nous avons des doutes sur la fiabilité des tests. Ce n'est pas possible qu'il y ait eu zéro positif», déclarait le PDG du groupe laitier.