Chaque salarié verra son compte crédité de 500 euros chaque année, annonce Muriel Pénicaud qui présente sa réforme de la formation professionnelle.
Avec la réforme, les salariés disposeront sur leur compte de 500 euros par an, plafonnés à 5.000 euros. Les personnes sans qualification auront 800 euros, avec un plafonnement à 8.000. «Pour les salariés en CDD, le compte sera crédité au prorata temporis», précise Muriel Pénicaud.
Un système «plus juste» selon elle que le décompte actuel en heures. Ce dispositif sera ainsi plus «lisible», a-t-elle ajouté lors d'une conférence de presse de présentation de la réforme de la formation professionnelle. A l'issue de leur négociation, les partenaires sociaux avaient eux préconisé de conserver un système en heures.
Le «big bang» annoncé
Muriel Pénicaud a promis un «big bang» : la ministre du Travail dévoile lundi sa réforme de la formation professionnelle, censée donner plus de droits aux salariés, mais aussi simplifier drastiquement le système, au risque de fâcher les partenaires sociaux.
Les annonces attendues dans la matinée s'inscriront dans un projet de loi destiné à apporter plus de sécurité aux salariés, qui contiendra aussi des volets «apprentissage» et «assurance chômage». Le texte, prévu mi-avril en conseil des ministres, complètera les ordonnances réformant le code du travail, entrées en vigueur fin 2017 et qui donnaient plus de souplesse aux entreprises.
Le volet «formation professionnelle» va «largement s'appuyer» sur l'accord conclu le 22 février par les syndicats et le patronat, selon la ministre.
Ce texte, âprement négocié pendant trois mois, contient, entre autres, un renforcement du compte personnel de formation (CPF), qui permettra aux salariés de cumuler davantage d'heures de formation (35 heures au lieu de 24, dans la limite de 400 heures au lieu de 150), une absorption dans le CPF du congé individuel de formation (CIF), un dispositif notamment dédié aux reconversions, un financement spécifique pour le conseil en évolution professionnel (CEP) et une réforme de l'alternance.
Il s'agit d'une «très grande avancée pour développer les droits individuels des salariés et demandeurs d'emploi», a salué Muriel Pénicaud vendredi.
Mais pour la ministre, le compte n'y est pas sur la remise à plat du système, d'une «complexité inouïe». Le gouvernement entend s'attaquer à la «tuyauterie», au «back office», à «l'organisation du système qui fait que les droits restent fictifs ou deviennent réels», selon son cabinet.
La ministre promet ni plus ni moins qu'un «big bang».
Cette annonce choc a braqué syndicats et patronat. Très amers, certains y ont vu du «mépris». «Mme la ministre devrait faire attention que son 'big bang' ne lui revienne pas comme un boomerang», a prévenu Michel Beaugas (FO).
«Attention» à ne pas se mettre «davantage à travailler sur la tuyauterie que sur le réel des gens», a mis en garde samedi Laurent Berger (CFDT).
Vers des droits en euros ?
Les partenaires sociaux avaient choisi de s'inscrire dans la continuité de la réforme de 2014, qui avait créé le CPF et le conseil en évolution professionnelle.
La CFDT et le Medef ont insisté sur le fait que le «big bang» n'était «pas dans le document d'orientation du gouvernement» envoyé mi-novembre.
Si l'expression n'y figurait pas noir sur blanc, les partenaires sociaux n'ont, malgré tout, pas répondu intégralement à la commande gouvernementale, qui demandait un CPF mobilisable «sans intermédiaire obligatoire» et dont l'unité de mesure ne serait plus l'heure.
Selon le député LREM Sylvain Maillard, le gouvernement compte bien imposer une «monétisation» du compte formation, dont l'unité ne serait plus l'heure, mais «le point ou l'euro». Les partenaires sociaux, eux, ont toujours écarté ces hypothèses, mettant en garde contre une inflation du coût des formations et d'éventuelles baisses de droits.
Du côté de la tuyauterie, expliquait la semaine dernière le député, le gouvernement devrait modifier le rôle des Opca, les organismes paritaires aujourd'hui chargés de la collecte et de la gestion des cotisations formation des entreprises. Les Opca, accusées d'être «juges et parties», perdraient la collecte, qui serait assurée par les Urssaf, et devraient se recentrer sur «le conseil» aux salariés et la «montée en qualité des organismes de formation».
Dans leur accord, syndicats et patronat souhaitaient que les Opca continuent de collecter les fonds, dans un souci «d'efficacité et de visibilité».
Dimanche dans une tribune au JDD, le président du Medef Pierre Gattaz a exprimé ses inquiétudes. Il admet la nécessité de «réformer» les Opca et de les «pousser à être plus efficaces» mais s'oppose à l'idée de «les supprimer».
La formation professionnelle coûte chaque année environ 25 milliards d'euros. Les entreprises, dont les dépenses directes ne sont pas prises en compte dans ce total, en sont, malgré tout, les premiers financeurs.