Les actionnaires de Renault ont de justesse entériné jeudi la rémunération de Carlos Ghosn, le PDG du constructeur automobile français démentant tout projet visant à lui attribuer des bonus par des voies détournées.
Réunis en assemblée générale, les détenteurs de titres du groupe au Losange ont approuvé toutes les résolutions qui leur étaient soumises, dont celles concernant le principal enjeu de la séance: les émoluments de Carlos Ghosn, qui font polémique de longue date. La résolution sollicitant l'avis consultatif des détenteurs de titres sur la rémunération du PDG en 2016 a recueilli 53,05% des voix, tandis que celle sur les éléments de 2017, contraignante depuis la loi «Sapin 2», a obtenu 54,01% des suffrages. La plupart des 17 autres résolutions ont recueilli 80% des suffrages ou plus.
En 2016, le dirigeant a touché 7 millions d'euros de Renault, dont 1,23 million de fixe, le solde - en numéraire ou en actions récupérables à terme - étant calculé sur des critères de performance. Les règles ont légèrement évolué pour 2017 avec davantage de transparence sur la part variable, basée sur le taux de retour sur capitaux propres, la marge opérationnelle et le flux de trésorerie disponible. D'autres critères non financiers (sociaux, environnementaux, etc.) entrent également en ligne de compte mais à une moindre échelle.
Ghosn versus Macron
Carlos Ghosn ne risquait pas une amputation de ses revenus, puisqu'en cas de rejet des règles pour 2017, celles de 2016 se seraient appliquées. En revanche, un vote négatif aurait constitué un deuxième désaveu de suite, 54% des détenteurs de titres représentés à l'assemblée générale ayant refusé l'année dernière sa rémunération pour 2016.
Le conseil d'administration était passé outre, suscitant des critiques du patronat et du ministre de l'Economie de l'époque, Emmanuel Macron. La controverse avait justement poussé le gouvernement à renforcer l'arsenal législatif sur la gouvernance des sociétés. Carlos Ghosn et l'actuel président de la République s'étaient accrochés en 2015 sur la question de l'influence de la puissance publique au sein de l'ex-Régie nationale. Le premier actionnaire de Renault est en effet l'Etat (19,74%), suivi de Nissan (15%). Mais l'entreprise nippone ne dispose pas de droits de vote.
Première place en vue
Les représentants de l'Etat ont voté, cette année encore, contre la rémunération de Carlos Ghosn, jugée excessive. Lors de la séance de questions-réponses avec les actionnaires, le PDG a été logiquement interpellé sur des informations publiées cette semaine par l'agence Reuters selon lesquelles l'alliance franco-japonaise réfléchirait à un système de bonus supplémentaires pour ses dirigeants, dont Carlos Ghosn, à travers une société dédiée aux Pays-Bas, non soumise aux mêmes exigences de communication financière qu'une entreprise cotée.
Il a démenti avec force ces assertions, assurant qu'il n'y avait «rien de vrai». «On est dans le roman», a lancé Carlos Ghosn, visiblement courroucé, en parlant d'une «affaire misérable faisant appel à des moyens pas très éthiques». Il s'agit, a-t-il expliqué, du «document d'un consultant qui est venu nous faire une proposition». «Quand les gens viennent avec des idées, nous les écoutons, ce qui ne veut pas dire que nous allons les mettre en pratique», selon lui.
La rémunération totale de Carlos Ghosn en 2016 a atteint 15,4 millions d'euros une fois pris en compte son salaire de PDG chez Nissan, ce qui fait de lui le patron le mieux payé du CAC 40, selon le cabinet de conseil Proxinvest. Depuis fin mars, il n'est plus que président du conseil d'administration du constructeur japonais, mais a entre-temps pris la tête du nouvel arrivant dans l'alliance, Mitsubishi.
Avec ses dix marques, l'alliance «pèse» quelque 10 millions de véhicules vendus par an, et Carlos Ghosn a assuré qu'elle atteindrait cet été la première place des groupes automobiles mondiaux en volume, devant Volkswagen et Toyota. «Cela n'a jamais été un objectif mais c'est une grande satisfaction», s'est réjoui le PDG de 63 ans dont l'actuel mandat chez Renault expire à l'assemblée générale 2018. Le constructeur français a bouclé 2016 sur des résultats financiers «record», 3,54 milliards d'euros de bénéfice net. Les actionnaires vont toucher 3,15 euros par titre contre 2,40 en 2015.