Ses parents bouddhistes, réfugiés politiques en France, ont présenté lundi des «excuses»: ils ne comprennent pas comment leur fils Kevin s'est retrouvé dans une cellule jihadiste, celle de Cannes-Torcy, jugée devant la cour d'assises de Paris.
Visage doux, imberbe, Kevin Phan, aujourd'hui 23 ans, a l'air d'un enfant sage. "Le problème de Kevin, c'est qu'il a un bon cœur, toujours prêt à aider les autres et c'est pour ça qu'il s'est fait avoir", a affirmé sa mère, Phone Phan. Comme le père, qui a fui la dictature Khmer rouge au Cambodge, la mère laotienne n'aurait jamais imaginé que la religion soit un enjeu familial.
Réfugiés politiques en France, ils parlent chinois en famille, sont bouddhistes par culture, désemparés face à un crime trop grand pour ce fils «gentil et fragile», encadré de deux sœurs sans histoire. Ils ont présenté des «excuses» aux victimes, le père se courbant légèrement pour marquer sa contrition. Droit dans sa chemise noire, toujours poli, Kevin a lui aussi présenté de «sincères excuses», dit son «dégoût» d'être «détenu pour des faits de terrorisme», lui qui «n'a jamais consulté un site jihadiste».
Pour sa participation - comme chauffeur - à un attentat à la grenade dans une épicerie casher de Sarcelles en septembre 2012, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Il a assuré au juge qu'il avait juste fait le chauffeur, ignorant tout du projet. Il est le plus jeune des vingt hommes originaires de Cannes (Alpes-Maritimes) et Torcy (Seine-et-Marne), jugés depuis le 20 avril devant la cour d'assises spéciale de Paris pour cet attentat, mais aussi des projets d'attaques contre des militaires et des départs en Syrie. Une des plus dangereuses filières démantelées depuis 1995, annonciatrice des mutations du terrorisme français.
«Grand frère»
Kevin explique qu'il s'est converti à l'islam en juin 2011 «parce que tout le monde se convertissait à Torcy». Vivant dans un immeuble voisin, Jérémy Bailly, considéré comme le numéro 2 du groupe, de sept ans son aîné, est «un grand frère» pour lui, lui enseigne «les cinq piliers de l'islam».
Une conversion incompréhensible pour sa mère, ancienne couturière communiste : «Nous n'étions pas d'accord. Mais il disait que ses grands parents maternels, bouddhistes, s'étaient bien convertis au protestantisme, alors pourquoi pas lui à l'islam. Et il a dit que tous les copains d'enfance l'avaient fait.»
Il ira même jusqu'à se marier religieusement avec une copine de collège, Leïla, au domicile de Jérémy Bailly : «Votre épouse n'était pas là le jour du mariage, pourquoi?», veut savoir l'avocat général. «Ben, on m'a dit que dans l'islam, c'était pas nécessaire, elle était représentée par son frère», avance-t-il, avant d'ajouter: «Mais on était ensemble depuis longtemps avec ma copine», comme pour dire que cette union était juste destinée à leur faciliter la vie.
A la barre, la jeune femme, sourire éclatant sur un jean moulant et blouson portant l'inscription dorée «Love your life», confirme une union «logique» car ils étaient «encore mineurs» et vivaient chez leurs parents. Kevin Phan, qui a depuis «abandonné la religion musulmane», tente d'expliquer sa passivité: «La religion, je n'y connaissais pas grand chose. Les autres, ils consacraient tout leur temps à l'islam, moi seulement mon temps libre.»
A l'avocat général, qui relève les «1.180 échanges téléphoniques avec Jérémy Bailly», qui lui décrit «le manuel du parfait artificier», avec les ingrédients d'un engin explosif, il répond: «Le fait qu'il m'explique tout de A à Z est bien la preuve que je n'y connais rien.» Il regrette d'avoir «suivi», affirme qu'il ignorait les projets mortifères des leaders du groupe. Les prochains jours seront consacrés aux personnalités des autres membres du groupe, pour la plupart amis d'enfance ou rencontrés à la mosquée. Le procès est prévu jusqu'au 21 juin.