Dans une main, une télécommande, pour diffuser sur haut-parleurs de puissants cris d'oiseaux. Dans l'autre, un pistolet lance-fusée, équipé de pétards. Effaroucheur, Gérard Lacroix arpente les pistes de l'aéroport de Roissy, pour empêcher les volatiles de perturber le vol des avions.
"Parfois, on a des cigognes ou bien des oies. En cas de collision, c'est dangereux", explique cet ancien chasseur de 61 ans, lunettes teintées et cheveux poivre et sel, en préparant son attirail sur le tarmac de l'aéroport.
Entre ses doigts, des pétards rouges et verts sont alignés, prêts à l'emploi. "On n'est pas là pour tuer des animaux, hein? Le but, c'est de leur faire peur, pour qu'ils aillent plus loin", sourit le sexagénaire.
Employé à Roissy depuis près de vingt ans, Gérard Lacroix, ancien ouvrier agricole, originaire de Picardie, a appris à connaître jusque dans les moindres détails les habitudes des animaux de l'aéroport. Un savoir "indispensable" pour lutter efficacement contre leur prolifération.
Palombes, passereaux, canards, alouettes... "Ici, on compte plus d'une centaine d'espèces", confie-t-il, en inspectant la piste devant lui. "Les plus dangereux, ce sont les oiseaux migrateurs. Ils ne connaissent pas l'aéroport et se font plus facilement prendre au piège".
En bout de piste, un rapace s'est immobilisé au-dessus d'une zone herbeuse. "C'est un faucon crécerelle. Il est en train de chasser un mulot", s'amuse Gérard Lacroix, en attrapant son lance-fusée. "Il ne voit pas les avions qui décollent dans son dos. Il pourrait se faire happer par les moteurs".
"J'aime bien les pigeons"
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Ce type d'incident, fréquent, peut parfois avoir des conséquences dramatiques. Selon le comité "bird strike" américain, spécialiste de la question, plus de 250 personnes ont ainsi trouvé la mort, depuis 1988, dans des accidents d'avion provoqués par des oiseaux.
Le dernier incident sérieux remonte à janvier 2009, quand un Airbus d'US Airways avait dû ase poser en urgence sur les eaux glacées de l'Hudson, au pied des immeubles de Manhattan, après avoir percuté des oies sauvages.
"Des collisions, on en a en moyenne trois par jour en France. Heureusement, les moteurs sont homologués pour pouvoir ingérer des oiseaux", rappelle Gérard Lacroix, qui souligne l'importance du travail de "prévention" pour éviter les accidents.
A Roissy, une quinzaine d'agents se relaient ainsi, auprès de M. Lacroix, pour surveiller en permanence les 3.200 hectares d'herbe, de pistes et de routes, à bord de véhicules tout terrain.
"Le moment-clé, c'est le matin très tôt, et le soir. C'est là que les oiseaux sortent le plus, car il y a plus d'insectes", explique le sexagénaire.
Parmi les outils à la disposition des quinze effaroucheurs: des pétards détonants, sifflants ou crépitants, mais aussi des lampes laser, et de multiples haut-parleurs, installés le long des pistes ou sur le toit des 4x4, qui diffusent des signaux de détresse stressants pour les oiseaux.
"Parfois, on utilise des fusils, mais c'est vraiment en cas de situation exceptionnelle", précise Gérard Lacroix.
La lutte aviaire, à Roissy, passe aussi par une série de "recettes" destinées à éviter l'implantation des volatiles sur l'aéroport.
"Les champs cultivés près des pistes ont été supprimés. Et les zones herbeuses ne sont jamais taillées à moins de 10 centimètres car quand l'herbe est haute, les oiseaux ne se posent pas, ça leur mouille les ailes", raconte M. Lacroix.
Un groupe de martinets, dans le ciel, s'envole à vive allure. Un nuage gris approche à l'horizon. "Quand il pleut, il faut faire attention", prévient l'effaroucheur. "Les goélands aiment bien se poser sur le tarmac, ils ont l'impression de se poser sur un plan d'eau", ajoute-t-il.
Malgré son métier, Gérard Lacroix assure n'avoir pas pris en grippe les oiseaux: "Chez moi, j'ai un couple de pigeons... J'aime bien les pigeons."