La volonté de retour en Bourse de la compagnie aérienne Japan Airlines (JAL), moins de trois ans après un retentissant dépôt de bilan, réjouit à court terme des investisseurs mais suscite aussi des doutes et critiques sur la réalité de la renaissance du fleuron nippon.
Déclaré en cessation de paiement avec une dette de plus de 2.000 milliards de yens (20 milliards d'euros), l'ex-porte-drapeau japonais, perfusionné par l'Etat, est parvenu à se requinquer.
Placée en redressement judiciaire, la compagnie a considérablement réduit la voilure, supprimé des milliers d'emplois, sabré les salaires de son personnel, vendu des filiales et supprimé toutes les lignes jugées insuffisamment rentables.
Résultat de cette cure, ses revenus ont dévissé, mais elle affiche aujourd'hui des profits enviables.
JAL a terminé l'exercice fin mars en dégageant un bénéfice net de 187 milliards de yens (plus de 1,80 milliard d'euros) et un bénéfice d'exploitation de 205 milliards de yens, le double de celui de sa rivale All Nippon Airways (ANA) qui a pourtant elle aussi consenti d'importants sacrifices pour minimiser ses frais fixes.
Ces sommes rondelettes attisent l'appétit d'investisseurs, étrangers notamment, selon des courtiers.
"Nous avons reçu des demandes: les recettes générées par JAL intéressent", témoigne anonymement un opérateur, reconnaissant que les candidats à l'achat ne sont pas nécessairement des connaisseurs de l'historique financier de l'ex-fleuron national déchu.
D'aucuns s'excitent en estimant que la capitalisation boursière de la "nouvelle Japan Airlines" pourrait atteindre de 500 à 1.000 milliards de yens (5 à 10 milliards d'euros), soit jusqu'à dix fois le bénéfice net espéré pour l'exercice budgétaire en cours.
Le retour en Bourse sera de facto une occasion pour l'organisme semi-public de restructuration des entreprises (Etic) de récupérer plus que les 350 milliards de yens injectés dans le groupe pour le sauver de la perdition.
Reste que ces perspectives financières a priori savoureuses en laissent plus d'un sceptiques, voire énervent profondément.
"Beaucoup semblent se féliciter sans même s'interroger sur le risque que représente pour le Japon la réintroduction boursière de JAL", s'agace un industriel du secteur.
"A court terme, pour les investisseurs, c'est juste un achat d'actions et si au départ le prix est deux fois inférieur à celui des titres d'ANA cela peut valoir le coup de miser, mais ces gens là ne s'incrivent pas sur le long terme", note-t-il.
Or, selon lui et certains analystes, le mode de gestion de JAL n'a pas fondamentalement changé. La compagnie a juste bénéficié du droit de ne pas rembourser ses dettes, ce qui mécaniquement a amélioré son tableau de résultats financiers.
"Les employés de JAL à qui on a dit il y a deux ans et demi, +on a fait faillite, il faut couper vos salaires+, ne vont-ils pas se réveiller à présent et exiger d'être rétribués comme avant puisque l'argent entre à nouveau dans les caisses ?", s'inquiète l'industriel cité précédemment.
Le retour aux bénéfices est en outre perçu comme un trompe-l'oeil difficilement tenable du fait du manque d'ambition de la compagnie.
Ce qui inquiète en effet les plus perplexes concerne la stratégie "à courte vue" du groupe, lequel a notablement diminué le nombres de vols et sièges proposés, notamment en abandonnant des destinations et éliminant de sa flotte les plus gros appareils.
Pire, JAL, qui, pour compenser, s'appuie davantage sur ses partenaires de l'alliance Oneworld, entend poursuivre dans cette voie par d'aucuns jugée "suicidaire".
"Compte tenu de la forte croissance de la demande attendue en Asie, en agissant de la sorte, Japan Airlines risque de se priver d'un gain potentiel de clients et de se marginaliser en laissant la piste grande ouverte à ses concurrents, car la part de marché qu'une compagnie peut capturer est directement liée à la capacité qu'elle offre", précise l'industriel.
Et de constater que "JAL est en train de se mettre en position de faiblesse et de se faire prendre sa place sur les vols internationaux au départ du Japon par des compagnies étrangères", ce qui pose en outre la question de la pertinence de maintenir deux compagnies japonaises de même envergure (JAL et ANA) alors que les rivaux asiatiques sont de plus en plus voraces et compétitifs.