Actuellement en salles, «Les chatouilles» aborde la question de la pédophilie à travers l’histoire d’une fillette violée qui tente, adulte, de se reconstruire. L’actrice y joue le rôle d'une mère tyrannique qui vit dans le déni.
Le premier film d'Andréa Bescond et Eric Métayer raconte l'histoire douloureuse de la réalisatrice. Celle d'Odette, 8 ans, victime d'attouchements par l'un des amis de ses parents, interprétés par Karin Viard et Clovis Cornillac. Devenue grande, la jeune femme réussit à s'exprimer grâce à la danse.
Comment êtes-vous arrivée sur ce projet ?
J’avais vu la pièce de théâtre «Les chatouilles ou la danse de la colère» (Molière du seul(e) en scène 2016, ndlr), dont est adapté le film, qui n’était jamais dans la plainte, ni larmoyante. On ressentait au contraire une vraie vitalité. Andréa Bescond et Eric Métayer ont ensuite songé à moi pour jouer le rôle de la mère dans le long-métrage. Je trouvais qu’il existait une forme pour raconter ce thème, sans l’édulcorer. Je ne voyais donc aucune raison de refuser ce projet.
Quelle a été la direction d’acteur d’André Bescond et Eric Métayer ?
Andréa avait une relation plus viscérale et instinctive à l’histoire, alors qu’Eric travaillait surtout à la construction du personnage. Il n’a cessé de me mettre en difficulté pour que j’essaie de jouer autrement. Cela a permis de créer des aspérités différentes pour le rôle.
Contrairement à mon personnage, j'ai une grande capacité d'empathie.
Mado, la mère d’Odette, refuse de reconnaître la souffrance de sa fille…
Elle est complètement dans le déni. Non seulement je ne la comprends, mais elle reste un mystère pour moi. Je ne parviens pas à concevoir comment cette femme peut avoir si peu d’empathie envers son enfant qu’elle aime pourtant. Son attitude est assez inconcevable. Elle est tellement empêtrée avec elle-même qu’elle ne voit pas les signaux envoyés par son enfant. Elle est dans le paraître. A l’opposé de ce que je suis dans la vie. J’ai une grande capacité d’empathie. «Les Chatouilles» montre aussi les relations familiales qui se distendent, une fois le secret révélé. Quand elles font part de leur traumatisme à leurs proches, certaines victimes se retrouvent bannies. L’équilibre familial est totalement remis en question. L’histoire d’Andréa aurait, peut-être, pu se solder différemment aujourd’hui. Les mentalités ont un peu évolué. A l’époque, nous parlions moins de violences sexuelles et de psychanalyse.
Vous avez signé, en mai dernier, une lettre ouverte demandant le retrait de l’article 2 du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles porté par Marlène Schiappa. Pourquoi ?
L’abus n’implique pas forcément la violence. Certaines personnes abusent de l’alcool ou de la drogue, sans être pour autant condamnables. Quand l’abus s’exprime sur un enfant qui n’a pas atteint l’âge de la maturité sexuelle, c’est différent. La violence est, dans ce cas, très présente. Un processus de sidération se met en place. Une gamine de 10 ans peut ne pas savoir dire non à quelqu’un qui lui fait peur et qui s’apprête à lui prendre une partie d’elle-même. Les personnes ne réagissent pas toutes de la même manière. Les victimes, surtout quand ce sont des enfants, se sentent extrêmement coupables. Par la suite, certaines grandissent persuadées qu’elles le méritent, d’autres oublient tout simplement. Je suis fière d'avoir signé ce manifeste.
Pensez-vous que le cinéma peut servir à éveiller les consciences ?
Ce n’est pas sa vertu principale, mais il y participe grandement. Le film «Haut les cœurs !» (1999) dans lequel j’ai tourné et qui raconte l’histoire d’une jeune femme atteinte d’un cancer du sein, a permis de libérer la parole. Il a servi de témoignage et fait le tour des hôpitaux. Les cancéreux ne sont plus considérés comme des pestiférés. Aujourd’hui, une ministre peut révéler qu’elle est malade, tout en continuant son travail. «Les Chatouilles» pourrait être projeté dans les écoles. Ce serait nécessaire et bénéfique.