Le Festival de Cannes, un an après avoir récompensé «120 Battements par minute», accueille quinze films abordant l'homosexualité ou les questions de genre, deux fois plus que d'habitude. Avec une nouvelle approche: la différence n'est plus forcément le sujet principal.
«Un cap est franchi : on en a enfin terminé avec les films sur le 'coming out' et ce 'douloureux problème' de l'homosexualité. C'est réjouissant !», indique à l'AFP le critique Franck Finance-Madureira, organisateur de la Queer Palm, prix indépendant qui récompense un film évoquant les questions LGBT (homosexualité, bisexualité, transgenre) parmi tous ceux présentés à Cannes.
En lice pour la Palme d'or, le Français Yann Gonzalez signe un thriller haletant avec «Un Couteau dans le coeur». Vanessa Paradis y campe une productrice de films porno gay confrontée au meurtre d'un de ses acteurs.
Egalement en compétition, Christophe Honoré raconte de son côté une histoire d'amour presque banale dans «Plaire, aimer et courir vite», projeté ce jeudi, dans l'ombre du sida.
Premier film kényan sélectionné à Cannes, mais censuré dans son propre pays, «Rafiki» aborde le passage à l'âge adulte à travers une romance entre deux jeunes femmes, avec la volonté selon sa réalisatrice Wanuri Kahiu de montrer un Afrique «joyeuse».
Dans «Girl» du Belge Lukhas Dhont, Lara, 15 ans, née garçon, rêve de devenir danseuse étoile. Au-delà de la quête éperdue de son identité sexuelle, le film met en lumière une exemplaire relation entre un père et son enfant.
Pour Christophe Honoré, toutefois, la sexualité des personnages ne doit pas nécessairement induire une «identité particulière» pour les films.
«C'est quelque chose qu'il faut dépasser. Quand il s'agit de la sexualité du plus grand nombre, cette question ne se pose pas alors qu'on la pose face à une histoire d'amour entre deux hommes», estime le réalisateur français.
Equivalent du Teddy Award, trophée gay du Festival de Berlin, la Queer Palm, qui a dix ans d'existence, est soutenue par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et la haine anti-LGBT.
«Cette année, il y a deux fois plus de films LGBT que d'habitude, avec une grande variété de sujets», observe Franck Finance-Madureira, corédacteur en chef du site FrenchMania.
«Personnages à part entière»
Depuis longtemps, le Festival de Cannes s'intéresse à ces sujets avec en point d'orgue la Palme d'or décernée en 2013 à l'unanimité à «La Vie d'Adèle» de Abdellatif Kechiche, et à ses deux interprètes, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos.
Cette année-là, la Queer Palm avait préféré «L'Inconnu du lac» de Alain Guiraudie. Au passage, Franck Finance-Madureira invite les réalisateurs hétérosexuels à se documenter : «Les scènes de sexe de 'La Vie d'Adèle' font beaucoup rire les lesbiennes par leur manque de réalisme !»
Présidé par la productrice française Sylvie Pialat, le jury de la Queer Palm a sélectionné également à la Quinzaine des Réalisateurs le film «Carmen et Lola» de l'Espagnole Arantxa Echevarria, une love story entre deux gitanes.
«L'homosexualité est de moins en moins le thème principal des films LGBT. Alain Guiraudie, que je produis, a été l'un des premiers à défendre des personnages à part entière au-delà de leur homosexualité. S'il y autant de films LGBT à Cannes cette année, c'est tout simplement le reflet de la vie», observe Sylvie Pialat.
Initiative locale pendant le Festival, Cannes Ecrans Juniors, sélection destinée aux collégiens pour les «confronter au monde», avait aussi pré-sélectionné un film gay, «Mario», du Suisse Marcel Gisler. En salles le 1er août, le film raconte une romance entre deux adolescents avec en toile de fond l'homophobie dans le sport. Des professeurs cannois de l'Education nationale ont toutefois jugé le film «pas adapté pour des scolaires».
Responsable cette initiative, le critique Gérard Camy, «prenant acte» de la décision des professeurs, a toutefois maintenu le film en «coup de coeur» mais l'unique projection prévue se fera hors compétition et en dehors de la sélection pour les classes de 3e et 4e.
Une décision dénoncée par le distributeur du film, Daniel Chabanne qui y voit une «censure», alors que le film bénéficie d'un visa d'exploitation tous publics de la Commission nationale de classification.