La styliste Hanae Mori, grande dame japonaise de la mode, est morte jeudi 11 août à son domicile de Tokyo. Elle avait 96 ans.
«Madame Butterfly», comme on la surnommait pour ses motifs de papillons, s’en est allée. La styliste Hanae Mori, première designer japonaise à défiler à New York en 1965 et première créatrice asiatique invitée à la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne en 1977, est décédée ce 11 août à l’âge de 96 ans.
Son décès a été confirmé par son bureau à l'agence de presse Kyodo, tandis que d'autres médias japonais rapportaient que ses obsèques s'étaient déjà tenues dans l'intimité familiale.
Après avoir débuté sa carrière à Tokyo dans l'après-guerre en confectionnant des costumes pour le cinéma, Hanae Mori était devenue l'une des rares Japonaises à la tête d'une entreprise internationale, et demeurait en cela une pionnière de l'émancipation des femmes dans son pays.
Remembering Hanae Mori, the First Asian Designer Invited to the Chambre Syndicale de la Couture https://t.co/lhdzKW6SWl via @voguemagazine
— S. Parker / S.パーカー (@SpenceTP) August 18, 2022
Née en 1926 à Mukaichi, Hanae Mori était la fille d'un médecin et d'une femme au foyer. «Nous étions les seuls dans ma ville natale à nous habiller à l'occidentale. En tant qu'enfant, c'était embarrassant pour moi d'être différente, mais je suppose que nous étions plutôt enviés aussi », avait-elle déclaré à l'AP en 1996. «Dans le Japon occupé, elle a lu Autant en emporte le vent et a observé à un moment donné les épouses des Alliés changer leurs vêtements occidentaux pour l'ajustement», raconte Vogue.
Après-guerre, Hanae Mori avait obtenu un diplôme en littérature japonaise à l'Université chrétienne des femmes de Tokyo, puis elle avait épousé le fils d'un fabricant de textile. «J'ai été une femme au foyer très gentille pendant un mois, mais je n'aimais pas être à la maison. Je voulais travailler, alors j'ai demandé à mon mari - il est japonais, très fort mais très gentil - et nous en avons discuté pendant un mois. Ensuite, je suis allé à l'école de design à Tokyo», avait-elle confié. Alors qu’elle songeait à arrêter sa carrière en 1960, elle racontera qu’une rencontre avec Coco Chanel la fera changer d’avis. «Tout le concept japonais de la beauté est basé sur la dissimulation. J’ai soudain compris que je devais changer mon approche et faire des vêtements qui aident les femmes à se démarquer», dira-t-elle plus tard.
Motifs orientaux et silhouettes occidentales
La créatrice, qui avait pris sa retraite après avoir présenté sa dernière collection couture à l'automne 2004, s’était jusqu'au début des années 2000 imposée avec son travail traditionnel et féminin, qui associait souvent des motifs orientaux à des silhouettes occidentales. Elle a d'ailleurs activement encouragé les échanges interculturels, partageant des modèles, dont Hiroko Matsumoto, avec Pierre Cardin et Yves Saint Laurent. «Il était nécessaire pour Mme Mori… de voyager à l'étranger pour faire reconnaître son travail. C'était également le cas des créateurs qui l'ont suivie, dont Issey Miyake et Kansai Yamamoto», note le New York Times.
Tout au long de sa carrière, Hanae Mori s'est cependant autant attachée à influencer la façon dont les femmes japonaises s'habillaient qu'à exporter la mode japonaise à l'étranger. «Son idée était de créer quelque chose d'original d'elle-même et du Japon», a dit un jour son mari comme le rapporte la magazine Vogue.
Ses luxueuses créations faites main ont été portées par Nancy Reagan, Grace Kelly et de nombreuses autres personnalités. Malgré le démantèlement de son empire commercial au début des années 2000 face à des difficultés financières et la fermeture de son atelier parisien en 2004 à l'issue de son dernier défilé dans la capitale française, des boutiques à son nom existent toujours au Japon et ses parfums continuent à être vendus dans le monde entier.