Adolescence, science-fiction et robots humanoïdes : le dramaturge multi-récompensé Joël Pommerat dévoile dans sa nouvelle création « Contes et légendes », donnée jusqu'au 14 février au théâtre Nanterre Amandiers, un univers futuriste qui captive autant qu’il interroge avec pertinence le monde et les comportements humains.
A quoi pourrait ressembler le monde dans trente ans ? Comment se construiraient des adolescents dans une société où l’homme cohabiterait avec des robots humanoïdes, capables d’interagir avec eux ? Quelles conséquences sur les schémas sociaux ? Ces êtres artificiels pourraient-ils révéler ou modifier nos relations et comportements humains ? Vaste sujet passionnant dont Joël Pommerat s’empare avec subtilité, réunissant sur le plateau une troupe d’une dizaine de jeunes impeccables et touchants, campant à la perfection leur rôle d'adolescents en pleine construction comme de robots ultra-perfectionnés, accompagnés par Elsa Bouchain et Jean-Edouard Bodziak.
Après avoir raflé quatre Molières en 2016, dont celui de meilleur metteur en scène, meilleur auteur francophone, meilleur pièce publique - pour « Ça ira (1) fin de Louis », une fiction politique inspirée de la Révolution française, le dramaturge fait un bond dans le temps et poursuit son observation du monde et des comportements humains.
Un laboratoire palpitant
Tel un laborantin, il signe avec «Contes et légendes» une série de tableaux pensés comme autant de scenarios possibles. Sans sensationnalisme, il donne à cette fiction des contours empreints de réalisme d'autant plus troublants. Si tout commence par un échange verbal violant entre deux jeunes garçons et une jeune fille, le dramaturge plante très vite le décor. Une conférencière vante les mérites d’un tout nouvel androïde, ressemblant à s’y méprendre à un jeune adolescent. Fruit de trente ans de travaux, Robbie, robot à la houppette blonde, a été conçu pour aider les enfants dans leur apprentissage.
Le ton est donné et Joël Pommerat déploie en 1 h 50 une dizaine de saynètes, sorte de kaléidoscope d’expériences sociales, mettant en scène des instants de vie - fête d’anniversaire, relation familiale tendue ou dramatique, amours adolescents, destruction d’un robot défectueux, cours de « masculinité » apprenant aux jeunes garçons à se comporter comme des «hommes», dans une société qui laisseraient plus de place aux femmes - comme autant de contes et légendes modernes. Des récits touchants, parfois drôles, parfois terrifiants faisaient se côtoyer enfants, adultes et «machines» dans un monde fictif, pourtant criant de réalisme, qui interroge avec pertinence les normes sociales, les relations humaines dans toutes leurs complexités, la construction de l'individu, la frontière entre réalité et imaginaire. Des robots qui en disent finalement long sur la machine humaine. Passionnant.
Contes et légendes, jusqu’au 14 février, Théâtre Nanterre Amandiers, Nanterre.