Dans son nouvel album, "Wrecking Ball", qui sort le 5 mars en Europe et le 6 aux Etats-Unis, la rock star américaine Bruce Springsteen pique une grosse colère contre les banquiers, apprentis-sorciers de la finance et dérégulateurs de tout poil.
Lors de la présentation à Paris de ce nouvel opus qui dresse un état des lieux sans concessions d'un "rêve américain" devenu cauchemar, le "Boss" a admis bouillir de l'intérieur.
Colère contre la cupidité, empathie avec les pauvres et les chômeurs et appels quasi religieux à l'espoir sont le fil conducteur de ce nouvel album en studio, le 17e en 38 ans de carrière.
Pour Bruce Springsteen, l'Amérique est devenue "une société dans laquelle les gens sont condamnés à rester prisonniers de la classe où ils sont nés".
"C'est une grande promesse qui a été brisée. Il y a un point critique au-delà duquel une société s'effondre et on ne peut pas avoir une civilisation avec une société qui s'est autant fractionnée", a-t-il poursuivi.
Ce nouvel album de onze titres démarre avec "We Take Care of Our Own," qui alterne des slogans patriotiques et la dure réalité vécue par de nombreux Américains pour garder leur emploi ou leur maison menacée de saisie.
Dans d'autres, il s'en prend aux "requins" (robber barons) du monde de la finance et aux multinationales sans visage capables de détruire une ville sans qu'un coup de feu ne soit tiré.
"Les banquiers grossissent, les travailleurs maigrissent, ça a toujours été comme cela et ça arrivera encore", raconte la chanson "Jack of All Trades", qui ajoute : "si j'avais une arme, je trouverais ces salauds et les tuerais à bout portant".
La rockstar a expliqué que "Wrecking Ball" (boule de démolition d'immeubles) avait été inspiré par la crise financière de 2008, qu'il considère comme le résultat de trois décennies de dérégulation et de profits débridés.
"Un vol grandeur nature est intervenu qui a touché le coeur de ce qu'était l'idée-même de l'Amérique", a-t-il dit. "C'était une énorme ligne de fracture qui a fait exploser le système américain et ses répercussions commencent à peine à se faire sentir".
Springsteen a expliqué qu'il s'était toujours intéressé de près aux inégalités et aux injustices aux Etats-Unis, et a démenti que ses chansons soient anti-patriotiques.
"Il y a un sentiment de patriotisme sous-jacent (...) dans mes meilleurs morceaux, mais en même temps, c'est une sorte de patriotisme très critique, qui questionne", a-t-il dit.
Et d'ajouter: "mon travail a toujours été d'estimer la distance entre la réalité américaine et le rêve américain. Quelle est cette dimension à chaque moment donné ?"
La dernière partie de "Wrecking Ball" est consacrée à des chansons imprégnées d'un sentiment quasi biblique dans leur aspiration à l'espoir, la solidarité et la résurrection.
Interrogé sur le sujet, la rockstar a évoqué son enfance dans la classe ouvrière catholique du New Jersey. "Enfant, j'ai été victime d'un véritable lavage de cerveau de la part du catholicisme", a-t-il dit.
"Cela m'a apporté un sens très aigu de la vie spirituelle - et de grosses difficultés sur le plan sexuel", a-t-il ajouté, en riant.
Côté musical, l'album emprunte au folk, au gospel et aux chansons sur la récession des années 30. L'une des chansons les plus fortes est "Land of Hope and Dreams," qui rappelle "Born to Run," l'album qui le propulsa sur le devant de la scène en 1975.
Il fait entendre les sonorités explosives du saxophone de Clarence Clemons, alias "The Big Man," proche ami de Springsteen, mort l'année dernière. "Perdre Clarence, c'est comme perdre la pluie, vous savez, ou l'air", a commenté le chanteur.