Alors qu’elle mettra un terme à sa carrière en fin de saison, Charlotte Bonnet (28 ans) aborde ses derniers championnats de France de natation, à partir de ce jeudi, à Angers, avec les Jeux Olympiques de Paris en ligne de mire.
Comment abordez-vous cette saison, qui sera la dernière de votre carrière ?
Plutôt bien. J’essaie de ne pas me dire que c’est la dernière saison et de ne pas être nostalgique. J’essaie plutôt de voir le bon côté en me disant que c’est une année olympique. Il s’agira de ma 4e participation aux Jeux olympiques. C’est donc juste incroyable de pouvoir à nouveau y participer. Et puis de pouvoir finir ma carrière à Paris sur des JO en tant aussi que capitaine de l’équipe de France, c’est juste magnifique. Je pouvais difficilement espérer mieux. J’ai envie de prendre tout ce qu’il reste à prendre et donner le meilleur de moi-même avant d’arrêter.
Cette saison s’annonce très riche avec pour commencer les Championnats de France…
Exactement. Et ils seront très importants car ils sont qualificatifs pour les Championnats d’Europe en petit bassin au mois de décembre à Bucarest (Roumanie). Ce sera peut-être compliqué de nager très vite car ces Championnats de France arrivent tôt dans la saison. J’ai repris seulement il y a un peu plus d’un mois et donc j’ai eu un temps de préparation assez court. Mon objectif sera avant tout de briller au Championnat d’Europe en petit bain et de faire des médailles. Mais pour y parvenir, il faudra avant se qualifier lors des Championnats de France.
Quel sera votre programme à Angers ?
Je vais reprendre le crawl forcément, donc il y aura sûrement un 100m ou 200m nage libre. Ensuite, je vais peut-être faire un 200m 4 nages. Et puis il faut que je fasse un peu de brasse pour valider mon ticket pour le relais en équipe de France. Il y a que quatre jours de compétition donc c’est compliqué de tout faire et je vais devoir faire des choix. Mais dans l’idée, c’est de faire le 200m 4 nages, faire le 200m nage libre et puis après on verra.
Vous enchaînerez donc ensuite avec les Championnats d’Europe à Bucarest ?
Oui, bien sûr. Ces Championnats d’Europe en petit bassin seront l’un des objectifs les plus importants de la première partie de la saison. J’ai déjà brillé pas mal de fois auparavant et j’ai envie de finir cette saison en petit bassin sur une bonne note. On a aussi une très bonne équipe de France, donc on peut faire de bonnes performances en relais et en individuel. Mais pour ma part, j’ai vraiment un cœur de ramener des médailles.
Est-ce que vous aurez le même objectif lors des Championnats du monde à Doha en février ?
Ce sont des Championnats du monde particuliers car ils ont été mis à une période inhabituelle. Normalement, c’est une période de stage intensif et on est en pleine préparation. On sort tout juste du break de Noël et de la reprise en janvier. Et c’est donc compliqué de performer direct en février. Personnellement, j’ai quand même choisi de les faire pour me confronter à des filles de niveau international et me mettre déjà un peu dans le bain des Jeux Olympiques. Et puis, il s’agira aussi de mes derniers Championnats du monde, donc j’ai envie d’y participer. Mais je ne vais pas faire une préparation axée sur ces Championnats du monde.
Et pour finir en apothéose, il y aura les JO à Paris…
Au début, quand Paris a été désigné ville hôte, je me suis dit que je n’allais pas être dépaysée comme on aime l’être en tant que sportif de haut niveau, en découvrant d’autres pays et cultures. Mais plus ils approchent, plus je me dis que c’est une chance incroyable de participer aux JO dans son pays. Tout le monde sera présent pour nous soutenir, notamment nos familles et nos amis qui ne peuvent pas toujours voyager. Et vivre les JO à la maison, ça arrive une fois tous les 100 ans. Même plus. Certains n’auront jamais cette chance. Donc c’est incroyable.
Est-ce qu’il y aura une pression plus importante ?
Je pense, même si la pression est toujours présente. Il y aura plus de Français dans les tribunes donc on aura encore plus envie de bien faire. Il y aura aussi forcément plus d’attentes. Pour l’instant, je n’y pense pas et je reste concentrer sur ma préparation. Mais c’est quelque chose qui va falloir incorporer et sur lequel il faudra travailler car cette pression sera plus importante que d’habitude.
Je suis vraiment fière d'être capitaine de l'équipe de France aux JO
Vous fixez-vous un objectif ?
Je vais forcément avoir à cœur de briller. Et l’objectif principal, c’est toujours de ramener des médailles quand on travaille des heures comme je le fais. Mais pour l’instant, je suis plutôt tranquille. Je me dis que ce seront mes 4es JO. C’est une chance vraiment énorme. Et j’aurai envie de bien finir, que ce soit une finale ou une médaille. Mais je ne me mets pas de pression supplémentaire en me disant c’est une médaille ou rien. J’ai avant tout envie de vivre l’expérience pleinement. Peut-être que je l’ai moins fait sur les dernières éditions car j’étais trop prise par la pression du résultat. Et là, j’ai envie de vivre pleinement l’aventure humaine.
Vous serez capitaine de l’équipe de France lors de ces JO. Qu’est-ce que cela représente ?
C’est évidemment une fierté. On me l’avait proposé en 2016, quand l’ancienne capitaine, mon amie Coralie Balmy, avait pris sa retraite à l’issue des Jeux Olympiques de Rio. Mais à cette époque, j’étais encore jeune. J’avais 21 ans, je me disais que je n’étais pas forcément légitime pour être capitaine et j’ai toujours aimé avancer de mon côté, pas dans l’ombre, mais faire mon petit bout de chemin sans forcément avoir de rôles importants. Puis la question s’est à nouveau posée. Le staff a remis certaines choses en question dans l’équipe et le capitanat a été remis en cause. On m’a proposé et j’ai été désignée. Aujourd’hui je suis vraiment fière d’être capitaine pour pouvoir notamment apporter mon expérience à l’équipe.
Est-ce que cela vous fait peur de vous dire que dans un an tout sera fini ?
Pas forcément car j’ai des projets et des envies personnelles qui vont au-delà de mon sport et de ce que j’ai toujours aimé faire. Mais j’appréhende néanmoins de changer de vie, de ne plus être apparentée comma la sportive de haut niveau et de faire quelque chose de différent. Je pense aussi qu’il faut savoir tourner la page. Il y a des sportifs qui ont du mal à arrêter ou qui ne se voient pas faire quelque chose d’autre. Donc ils continuent un peu par dépit et moi je n’ai pas du tout envie d’en arriver là. J’ai une carrière incroyable et il me reste encore un an pour la rendre encore plus belle. Mais je n’ai pas envie de continuer parce que je ne sais pas quoi faire d’autre. Ça serait une grave erreur.
Parmi vos projets, il y a cette volonté de vous engager pour la planète et l’environnement ?
Bien sûr, ça en fait partie. Je me projette de plus en plus et je m’implique au fur à mesure des années. Et c’est quelque chose que j’ai envie de faire perdurer au-delà de mon statut de sportive de haut niveau. D’autant que l’eau fait partie de mon environnement au quotidien de part mon métier et ça fait extrêmement peur de voir à quel point elle peut être polluée à certains endroits de la planète.
Si les gens savaient ce qu'il y a dans l'eau, il y en a beaucoup qui ne se baignerait pas
Est-ce pour cette raison que vous avez décidé de vous impliquer à travers diverses actions ?
Forcément quand ça touche l’eau, qui est notre outil de travail, cela fait mal au cœur et cela donne encore plus envie de s’impliquer. Depuis plusieurs années, je fais notamment partie de la Team Lucas Sport Planète, créée par la Maif, et j’ai été marraine de l’opération «Chaque médaille compte» mi-septembre. En avril, on avait déjà effectué un premier ramassage de déchets autour de notre piscine, près de l’étang de Berre qui est extrêmement pollué. On avait ramassé je ne sais pas combien de mégots, de bouteilles et de choses en plastique. C’était hallucinant. Et le mois dernier, on a fait un deuxième ramassage avec certaines associations pour la journée mondiale du nettoyage. On a été sur les plages de Corbière à Marseille et on a ramassé 641 kilos de déchets en trois ou quatre heures. C’était assez hallucinant de voir autant de déchets.
Quels types de déchets avez-vous ramassé ?
Nous étions divisés en trois groupes dont un qui était sur la plage avec des pinces et des gants. Je faisais partie de ce groupe et on a ramassé toutes sortes de déchets comme des mégots ou des bouteilles en verre. Le 2e groupe était chargé du tri des déchets. Et le 3e groupe était en mer pour ramasser des déchets sous l’eau et ils ont notamment remonté des barrières de sécurité, des bonbonnes de dioxyde d’azote et d’autres choses hallucinantes. Si les gens savaient ce qu’il y a dans l’eau, il y en a beaucoup qui ne se baignerait pas.
Pensez-vous que ce type d’action peut faire évoluer les mentalités ?
Notre objectif en faisant partie de ce programme «Maif Sport Planète», c’est de sensibiliser le maximum de personnes et de montrer l’exemple en tant que sportif de haut niveau en faisant attention à ce qu’on jette et de mettre les choses à la poubelle, pas par terre. Je ne suis pas une citoyenne parfaite et on n’est pas là pour donner des leçons. Mais ce sont plein de petits gestes qui peuvent avoir leur importance.