Il est numéro 1 français de para-badminton. Mathieu Thomas a caché son handicap pendant 10 ans. Aujourd'hui, il en fait une force et espère inspirer la société avec sa participation aux Jeux paralympiques de Paris 2024.
Le sport a toujours fait partie intégrante de la vie de Mathieu Thomas. Passionné du ballon orange plus jeune, il grandit à l'ère où Michael Jordan est à son «prime» et s'inspire beaucoup de ce joueur légendaire. «J'ai fait du basket très jeune, car j’aime les sports collectifs», raconte celui qui fait 1,92 m.
La peur du regard des autres
Mais à 17 ans, il doit arrêter le basket. Les médecins lui diagnostiquent une tumeur cancéreuse dans le bas-ventre. «Pour enlever cette tumeur, on a dû sectionner le nerf qui alimente le quadriceps de la cuisse droite. J’ai une paralysie de cette cuisse, plus de sensibilité, plus de motricité», explique-t-il.
Après l’opération, le corps médical lui annonce qu’il ne pourra plus re-marcher comme avant. Un coup dur pour l’adolescent de l’époque. «À cet âge-là, j’ai eu du mal à l’accepter par rapport à l’image qu’on s’en fait. La société a encore une image d’une personne handicapée qui n’est pas capable, qui est en fauteuil. Moi, je ne me retrouvais pas là-dedans.»
De la fin de son adolescence à ses 30 ans, le handicap reste pour lui un sujet difficile à aborder. Il décide alors de le «cacher». «Je me plonge dans mes études, passe mon diplôme d’ingénieur et après, j'enchaîne ma vie comme si elle pouvait s’arrêter du jour au lendemain.»
«J’avais du mal à faire le deuil de ma vie passée»
Décidé à prouver que le handicap est une force, l’ancien basketteur se remet au sport à 25 ans pour se reconstruire. «J’étais très frustré et en pleine adaptation par rapport à ce nouveau corps. J’avais du mal à faire le deuil de ma vie passée», livre-t-il.
Vélo, natation, Mathieu Thomas pratique tous les sports que les médecins lui conseillent pour reprendre sans «traumatiser» sa jambe.
Une fois sa jambe renforcée et la confiance retrouvée, l’esprit de compétition refait surface. À l'approche de la trentaine, il s'intéresse pour la première fois aux Jeux paralympiques. «À l'âge de 30 ans, je me dis, ‘mais tu vas où’ ? Petite crise existentielle de la trentaine. J’essaie de trouver du sens à ma vie. J’entreprends plein de choses, mais je veux vraiment savoir ce qui pourrait m’animer avec ma singularité. Je me lance alors ce rêve de faire les Jeux paralympiques.»
Concours de circonstances, en 2015, la fédération française de badminton lance ses premiers championnats de France de parabadminton. «C’est comme ça que prends connaissance que le parabadminton existe. Je m’y mets en me disant que je peux essayer. Je tombe amoureux de ce sport et me fais classifier à l’international avec des objectifs de compétition pour voir jusqu’où ça peut me mener».
Les jeux de Tokyo : du rêve à la désillusion
Mathieu Thomas enchaîne alors les compétitions et les titres (premier titre de champion de France en 2015). En 2016, nouveau revirement. «Ils annoncent que le parabadminton rentre aux Jeux à Tokyo pour la première fois. Je suis donc passé à un entraînement quotidien pendant 4 ans et j'ai lâché mon métier pour devenir sportif professionnel», poursuit-il.
Malheureusement, le joueur manque de peu la qualification pour les Paralympiques de 2020 malgré les bons résultats et la médaille de bronze obtenue en 2017 aux championnats du monde. «Je suis arrivé 7ᵉ mondial et il fallait faire partie du top 6 mondial. Ce rêve que j’avais de faire les premiers Jeux s’est envolé. Ça a été hyper dur pour moi, ça a encore laissé des séquelles», raconte-t-il.
Après cette déception, il enclenche un travail de préparation mentale et physique intensive pour les Jeux de Paris 2024. «Il me reste encore 6 mois de qualification jusqu’à mars 2023, ensuite, il me restera 5 mois de préparation pour aller chercher à être en pic de forme pendant les Jeux», détaille-t-il.
Pour y parvenir, l’athlète peut évidemment compter sur le soutien sans faille de son staff. «J’essaie sans cesse de m’organiser comme un chef d’entreprise pour cet objectif, de performer aux Jeux et aussi de pouvoir transmettre et préparer mon après carrière autour de la sensibilisation en entreprise».
L’envie de sensibiliser au handicap invisible
Car au-delà de l’envie de décrocher l’or olympique, Mathieu Thomas espère aussi, grâce à sa participation, sensibiliser au handicap invisible qui touche 80% des handicapés selon l’APF France handicap. «En étant sportif de haut niveau et en représentant la France, on me donne aussi la parole», livre-t-il.
Mais cet impact social tant voulu par le para-athlète ne peut se faire sans médiatisation. Lors des derniers Jeux, France Télévisions a consacré 100 heures à la diffusion des Jeux Paralympiques contre 3600 heures et jusqu’à 30 directs pour les Jeux Olympiques.
«La grosse différence entre les sports valides et les sports para, c'est que le sport valide a tout un écosystème financier avec de la médiatisation et des sponsors qui sont prêts à mettre des sous pour des retransmissions télé, chose que nous n’avons pas en para», regrette Mathieu Thomas, qui espère que ces Jeux de Paris seront «plus mis en lumière».
«L’idée, c'est de montrer à la société que tous ces gens-là qui se dépassent ont des rêves, des objectifs forts pour aller chercher des médailles», termine-t-il.
La billetterie des Jeux Paralympiques ouvre ce lundi 9 octobre 2023 sur le principe du premier arrivé, premier servi. Elle sera accessible à tous, sans tirage au sort.