Affichant 100% de réussite, l'essai clinique d'un médicament contre le cancer du rectum fait naître de réels espoirs pour les malades. Ces résultats doivent néanmoins être reproduits à plus grande échelle pour être significatifs.
La tumeur a disparu. Cet heureux diagnostic a été annoncé à chacun des 12 participants à l'essai clinique du dostarlimab, utilisé comme traitement contre le cancer du rectum. L'étude, publiée dimanche 5 juin dans le New England Journal of Medecine, affiche donc un taux de réussite de 100%. Une rareté.
Les chercheurs américains du Memorial Sloan Kettering Cancer Center, à l'origine de ce travail, sont eux-mêmes épatés par leurs résultats. «Je crois bien que c'est la première fois que cela se produit dans l'histoire du cancer», avance le Dr. Luis A. Diaz, auprès du New York Times.
Very proud of our study published in @NEJM. 100% clinical complete response with dostarlimab alone in mismatch repair-deficient locally advanced #RectalCancer. No radiation or surgery! @ASCO #ASCO22 @MSKCancerCenter https://t.co/sZypoHBtj7
— Andrea Cercek (@AndreaCercek) June 5, 2022
Les cancers colorectaux, dont fait partie celui du rectum, constituent le deuxième type de cancer le plus fréquent chez la femme et le troisième chez l'homme, selon les données de l'Assurance maladie. Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés à l'une de ses formes en particulier, celle qui présente une mutation génétique appelée MMrD ou de «déficit de réparation des mésappariements».
Ces tumeurs, observées chez 5 à 10% des patients atteints d'un cancer du rectum, ont tendance à être moins sensibles aux traitements de chimiothérapie et de radiothérapie. Voilà pourquoi ces scientifiques ont opté pour l'immunothérapie, avec le dostarlimab.
Concrètement, il s'agit d'un médicament qui agit «non pas en attaquant directement le cancer lui-même, mais en faisant en sorte que le système immunitaire d'une personne fasse l'essentiel du travail», explique le Dr. Hanna Sanoff, de l'Université de Caroline du Nord, qui n'a pas participé à cet essai mais a écrit l'éditorial qui accompagne la publication de l'étude.
Une étude «source d'un grand optimisme»
Jusqu'ici ce genre de traitements ne faisaient pas vraiment «partie des soins de routine des cancers colorectaux». En l'occurrence, le dostarlimab est surtout utilisé dans le traitement du cancer de l'endomètre (la muqueuse qui tapisse l'intérieur du corps de l'utérus, ndlr). Mais les résultats de ce nouveau travail de recherche «sont source d'un grand optimisme», selon le Dr. Sanoff.
Le dostarlimab a été administré toutes les trois semaines aux 12 patients, sur une période de six mois. Ce traitement devait à l'origine être suivi d'une chimiothérapie et d'une chirurgie standard mais, six mois après l'arrêt du médicament, le cancer avait disparu. Aujourd'hui, deux ans après l'essai, les participants n'ont pas connu de récidive, n'ont pas subi d'opération ni eu besoin de chimio ou radiothérapie.
Sans vouloir doucher l'espoir suscité par ces résultats bluffants, les chercheurs se veulent néanmoins prudents. L'étude est certes convaincante, mais, avec 12 participants, elle reste de petite envergure. Aussi, ils préconisent de ne pas conclure trop rapidement que le cancer a été définitivement éradiqué.
Puisque le dostarlimab n'était jusqu'ici pas utilisé pour traiter les cancers colorectaux, «on sait très peu de choses sur la durée nécessaire pour savoir si une réponse clinique complète» à ce médicament «équivaut à une guérison», tempère Hanna Sanoff.
Elle est rejointe sur ce point par le Dr. Kimmie NG, expert en cancer colorectal à la Harvard Medical School. Il juge les conclusions de cette étude «remarquables» et «sans précédent», mais rappelle que ces résultats doivent être reproduits pour être véritablement significatifs. L'enthousiasme est donc permis, mais avec mesure.