En finir avec l’omerta. Alors qu’un collectif de femmes s’est emparé du sujet dans une tribune parue dans le Monde en mars dernier, des anonymes et des personnalités n’hésitent plus à parler de leurs fausses couches. De la chanteuse Beyoncé, à Meghan Markle l’épouse du prince Harry, nombreuses sont celles bien décidées à lever le tabou.
Elle est bien souvent inexistante dans le débat public. Pourtant, l’interruption spontanée de grossesse est vécue par près de 150.000 Françaises chaque année, le plus souvent au cours du premier trimestre.
Si toutes n’ont pas la même réaction, cet évènement tragique peut être à l’origine d’une profonde solitude et d’une importante détresse psychologique. «Une fausse couche se vit seule car le sujet n’existe pas dans notre société», a affirmé Sandra Lorenzo, autrice de l’ouvrage «Une fausse couche comme les autres» (éditions First).
Cette militante au sein d’un collectif d'écrivaines et de créatrices de podcast sur le sujet, tente de mieux informer les jeunes lors des cours de biologie à l’école, mais aussi le grand public via une campagne nationale.
Dans la tribune publiée par le Monde, certaines ont également appelé à un suivi psychologique remboursé et à la création d’un congé spécifique. De même, la député Paula Forteza a dévoilé le 30 mars dernier un projet de loi visant à une meilleure prise en charge psychologique des femmes. Il inclut lui aussi davantage de sensibilisation et de communication, mais aussi la possibilité de prendre un arrêt de travail de trois jours suite à la fausse couche. La personne partenaire de la victime d’un arrêt naturel d’une grossesse pourra également bénéficier de ce congé.
1 sur 10 a déjà fait une fausse couche.
Une expérience traumatisante qui reste un véritable tabou en !
C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi pour une meilleure prise en charge de la fausse couche.
Thread
Dossier : https://t.co/T5O0ieYEme pic.twitter.com/qmVhK24Bgw— Paula Forteza (@PaulaForteza) March 30, 2022
Actuellement, un médecin peut établir un arrêt maladie à la femme qui perd son bébé avant vingt-deux semaines. Ce document lui ouvrira le droit à une indemnisation par l’assurance maladie. Le conjoint, quant à lui, peut bénéficier d’une autorisation exceptionnelle d’absence pour évènement familial. En revanche, le nombre de jours accordés dépend des conventions collectives ou de l’employeur.
Au-delà de vingt-deux semaines, le congé maternité est accordé dans sa totalité et un certificat d’accouchement est automatiquement délivré. Ce certificat permettra alors d’établir un acte d’enfant né sans vie.
Un manque d’empathie
Si les progrès de la médecine ont permis de comprendre que la fausse couche met fin à une grossesse non viable tout en limitant les risques sanitaires pour la mère, «on a laissé les femmes gérer ça toutes seules», a expliqué à l’AFP Emmanuelle Berthiaud, historienne spécialiste de la maternité et du genre.
Outre cette charge mentale, les patientes qui doivent choisir entre la possibilité de laisser le processus d'expulsion se terminer naturellement, la prise d'un traitement médical, ou l’intervention chirurgicale ont dénoncé des propos inappropriés de la part du personnel soignant. Un reproche récurrent que reconnait Cyrille Huchon, professeur de gynécologie obstétrique à l’hôpital Lariboisière à Paris. Toutefois, «les jeunes soignants sont plus sensibilisés pour éviter ce genre de propos , la formation a évolué depuis une dizaine d’années».
En effet, il existe désormais des ateliers spécifiques sur la fausse couche. Pour Nathalie Lancelin-Huin, psychologue et animatrice de ces formations, les professionnels «doivent informer les femmes, de manière simple et concise, sur le fait qu’on peut vivre une fausse couche, qu’on peut plutôt bien la vivre, moins bien, ou très mal».
Du deuil, au sentiment de vide en passant par la culpabilité ou encore la colère, l’accompagnement de la femme victime d’une fausse couche paraît primordial.