Le baclofène n'est pas le médicament miracle attendu par certains, même s'il permet de réduire la consommation d'alcool, en particulier chez les plus gros buveurs, selon des résultats d'essais cliniques rendus public samedi.
En France, la popularité de ce médicament bon marché, disponible depuis 1975, a explosé depuis la parution du livre "Le dernier verre" d'Olivier Ameisen en 2008. Ce cardiologue alcoolique, depuis décédé, racontait comment, il avait supprimé son envie de boire ("craving") en prenant du baclofène à très fortes doses.
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"Le baclofène permet de réduire la consommation d'alcool, dans un cas sur deux, ce n'est déjà pas si mal", indique le Pr Michel Reynaud, président du Fonds Actions Addictions en évoquant deux études françaises présentées au congrès mondial d'alcoologie à Berlin. "Ce n'est pas un médicament miracle", souligne ce spécialiste qui estime cependant que "ce médicament apporte un plus dans l'arsenal thérapeutique" contre l'alcoolo-dépendance.
Le Pr Reynaud présentait l'étude Alpadir menée sur 7 mois avec 320 patients répartis par tirage au sort en deux groupes (158 sous baclofène à la dose élevée de 180 mg/jour et 162 sous placebo). Elle visait à évaluer d'abord le maintien d'une abstinence totale pendant 20 semaines et secondairement la réduction de la consommation d'alcool. Pour l'abstinence, aucune différence significative n'a été observée entre les deux groupes (11,9% d'abstinents sous baclofène contre 10,5% sous placebo). Selon le Pr Reynaud, vraisemblablement, sous la pression médiatique, les attentes des patients et des médecins étaient plus fortes sur une diminution de la consommation.
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— Doctissimo (@doctissimo) 3 septembre 2016
"Un effet cliniquement significatif a d'ailleurs été observé sur la réduction de la consommation d'alcool, en particulier sur les patients ayant une consommation à risque élevé", observe-t-il. La baisse de consommation observée dans les deux groupes était plus importante dans celui traité par baclofène et encore plus marquée chez les buveurs à haut risque (plus de 4 verres/jour pour les femmes, plus de 6 pour les hommes). "Des buveurs de 12 verres/jour sont passés à 3 verres avec le baclofène contre 5 avec le placebo", indique-t-il. Les effets indésirables (somnolence, fatigue, insomnie...) étaient plus fréquents sous baclofène. Mais aucun problème grave n'a été enregistré. Il s'agissait toutefois de participants sélectionnés pour écarter les plus atteints (cirrhose avancée...), ou ceux qui prenaient d'autres drogues.
Effets indésirables
L'essai "Bacloville" a lui été réalisé, sans sélection ni sevrage préalable, sur 320 malades, fragiles psychologiquement et physiquement, suivis en ville par des médecins généralistes. Objectif : comparer l'efficacité et la sûreté du baclofène à fortes doses (jusqu'à 300 mg/j) à celles du placebo, au bout d'un an. Le Pr Philippe Jaury, coordonnateur de cet essai, promu par l'Assistance Publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) a présenté des "résultats préliminaires" à Berlin.
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Ces derniers montrent "56,8% de succès" (abstinence ou réduction de la consommation d'alcool) pour le groupe prenant du baclofène "contre 36,5%" dans celui du placebo, selon l'AP-HP. Mais il faudra attendre la fin de l'analyse, notamment sur l'innocuité du médicament, pour conclure. Des décès ont été signalés dans cet essai à l'agence du médicament, qui relevait en 2013 que ce n'était malheureusement pas exceptionnel vu la "grande fragilité" des malades concernés. "L'alcool tue quelque 50.000 personnes par an", souligne le Pr Reynaud. Les dangers mortels de l'alcool sont à prendre en compte pour mesurer les risques et bénéfices du médicament, ajoute-t-il.
Le laboratoire Ethypharm, promoteur de l'essai Alpadir, attend les résultats complets de Bacloville pour finaliser son dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM). En attendant, pour encadrer les prescriptions, l'agence du médicament ANSM a mis en place en 2014 un système temporaire d'utilisation. Fin août, 7.024 patients étaient déclarés à l'ANSM, alors que selon l'Assurance maladie, environ 100.000 patients seraient traités avec le baclofène. Les résultats d'une nouvelle étude sur les effets indésirables du baclofène sur l'ensemble des utilisateurs, commandée par l'ANSM à l'Assurance maladie, sont attendus fin 2016.