L'Agence du médicament a donné vendredi le feu vert officiel à l'utilisation du Baclofène pour traiter l'alcoolisme en France, un geste très attendu dans le milieu médical et associatif.
La popularité de ce médicament bon marché a explosé en 2008 avec la publication du livre "Le dernier verre" d'Olivier Ameisen, qui l'avait auto-expérimenté. Devenu alcoolique, ce cardiologue, décédé l'an dernier, racontait comment, avec ce médicament pris à de très fortes doses, il avait supprimé son envie de boire, le "craving".
Commercialisé depuis 1975, le baclofène avait été autorisé en neurologie pour traiter des contractures musculaires, mais il était de plus en plus prescrit en dehors de cette indication, c'est-à-dire "hors autorisation de mise sur le marché (AMM)", pour traiter la dépendance à l'alcool. Plusieurs milliers de patients en reçoivent ainsi "hors AMM".
"Largement répandue", son utilisation dans ce domaine "n’était jusqu’à présent ni reconnue ni encadrée", a souligné la ministre de la Santé Marisol Touraine, qui s'est réjouie vendredi de cette RTU qui "offre un cadre d’utilisation sécurisé aux médecins et aux patients."
L'enjeu de santé publique est majeur: l'abus d'alcool est responsable de 49.000 morts par an en France, selon une étude de l'Institut Gustave-Roussy, soit de l'ordre de 134 morts par jour.
L'agence du médicament ANSM attendait l'accord de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), reçu jeudi, qui était nécessaire à l'octroi de cette nouvelle procédure appelée "RTU" ou "recommandation temporaire d'utilisation", la première de ce type accordée pour un médicament.
Cette recommandation temporaire a été élaborée dans l'attente de résultats d'études en cours, afin de sécuriser l'accès au baclofène (laboratoires Novartis, Aguettant, Zentiva-Sanofi et Sun), explique l'ANSM.
Selon cette "RTU", valable trois ans, le baclofène pourra être prescrit après échec des autres traitements disponibles chez les patients alcoolo-dépendants dans deux indications: l'aide au maintien de l'abstinence après sevrage chez des patients dépendants à l'alcool et la "réduction majeure de la consommation d'alcool jusqu'au niveau faible de consommation" chez des patients alcoolo-dépendants à haut risque.
50.000 patients depuis 2008
L'accord de la Cnil était indispensable pour assurer le suivi des patients qui devront bénéficier d'une prise en charge psycho-sociale.
La dose prescrite devra être progressive et la dose maximale ne devra pas dépasser 300 mg par jour.
Cette autorisation très encadrée précise notamment qu'à partir de 120 mg/jour, l'avis d'un médecin expérimenté dans la prise en charge de l'alcoolo-dépendance devra être sollicité : psychiatre, addictologue ou médecin exerçant dans un Centre de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA).
L'ANSM fait état de contre-indications comme des troubles neurologiques ou psychiatriques graves (épilepsie non contrôlée, schizophrénie, troubles bipolaires, dépression sévère), insuffisance rénale ou hépatique sévère, grossesse.
Les effets indésirables, parfois graves, liés au baclofène sont également relevés par l'agence sanitaire, mais sont aussi à mettre en regard des effets dramatiques de l'alcoolisme.
Une fois l'objectif atteint, une diminution des doses doit être envisagée et régulièrement réévaluée, chaque patient devant bénéficier de la posologie minimale efficace adaptée, souligne l'agence sanitaire.
Les doses efficaces varient en effet beaucoup d'un malade alcoolique à l'autre, rappelle-t-on à l'ANSM.
Et, "si le traitement n'a aucun effet, il devra être arrêté de manière progressive afin d'éviter un syndrome de sevrage", précise-t-elle.
Depuis 2008, 50.000 patients ont ainsi été pris en charge dont 22.000 depuis 2012 (d'après des chiffres Assurance Maladie/Cnamts). Plus de 10.000 médecins généralistes ont prescrit au moins une fois du baclofène pour dépendance à l'alcool pour un patient qui débutait un traitement en 2012.
L'arrivée prochaine de cette autorisation avait été initialement annoncée l'été dernier par le patron de l'ANSM lors d'un colloque organisé à l'hôpital Cochin pour promouvoir ce remède, présenté par certains comme une solution miracle contre l'alcoolisme.